Suite à l’annonce par le Président Xi, le 21 septembre à l’Assemblée Générale des Nations Unies, que la Chine « ne construira pas de nouvelles centrales à charbon à l’étranger », Bank of China a publié un communiqué sur son site web annonçant « qu’à partir du quatrième trimestre de 2021, Bank of China ne financera plus de nouveaux projets de mines de charbon ni de nouveaux projets de centrales à charbon à l’étranger, à l’exception des projets sous contrat. »

  • C’est la première fois qu’une banque commerciale chinoise active dans ce domaine adopte une politique publique sur le charbon, envoyant ainsi un signal important à l’industrie mondiale du charbon de la part de l’un des financiers de dernier recours sur de tels projets.
  • Cependant, on ne sait toujours pas si cette nouvelle exclusion couvre les projets en cours dans lesquels la banque est impliquée mais qui n’ont pas encore bouclé leur financement, qui sont au moins au nombre de sept.
  • Une chose est certaine : Bank of China a encore du chemin à faire pour aligner sa politique sur le charbon avec l’impératif climatique qui demande l’abandon du charbon d’ici 2040 à l’échelle mondiale. Elle devrait donc cesser immédiatement et complètement le financement direct des projets sur le charbon, à l’international comme à l’intérieur de ses frontières, mais aussi le financement général des développeurs de charbon dans le monde.

Notre analyse : une étape importante mais il reste encore un long chemin à parcourir

Points positifs :

  • Cette déclaration publique est la première du genre à émaner d’une banque chinoise active dans ce domaine au niveau sectoriel. Jusqu’à maintenant, la seule déclaration publique émise par des banques chinoises sur le charbon se référait à un projet spécifique : comme beaucoup de ses pairs, Bank of China avait exclu le financement direct de la mine de charbon d’Adani, Carmichael, en Australie, en décembre 2017.
  • Cette annonce fait suite au lancement de la première campagne publique ciblant la banque comme la « Banque du charbon», lancement qui a eu lieu quelques jours auparavant, au début du mois.
  • 44 banques internationales ayant désormais mis fin au financement direct de nouvelles mines et centrales à charbon dans le monde, les banques chinoises sont devenues, par essence, les financiers de dernier recours pour ce type de projet.

Points négatifs:

  • La déclaration n’est malheureusement pas claire quant au sort des projets « en cours » : il s’agit de projets charbonniers dans lesquels une banque est impliquée, où les discussions avec la société qui construit le projet ont commencé et où le financement est en cours de mobilisation, mais qui n’ont pas encore atteint le « bouclage financier », ce moment où les contrats finaux sont officiellement signés, une fois que le financement a été entièrement mis en place. L’expression « sous contrat » utilisée dans la déclaration tend à indiquer que ces projets devraient être exclus par la banque, puisqu’ils n’ont précisément pas encore été « contractés ». Mais cela ressemble aussi beaucoup à l’habituelle faille qui a entaché de nombreuses politiques charbon dans le passé. Une telle faille serait encore plus dangereuse cette fois-ci, car Bank of China n’est pas impliquée dans un ou deux « derniers » projets de charbon, mais dans au moins sept d’entre eux, totalisant environ 10 GW de nouvelles capacités de production d’électricité au charbon, prévus au Bangladesh, au Zimbabwe, au Botswana, en Turquie et au Vietnam. Presque toutes les banques impliquées dans de tels projets « en cours » ont fini par se retirer de ces derniers par la suite.
  • Autre grande lacune dans la déclaration, le fait que les nouveaux projets de charbon en Chine ne sont pas couverts, alors qu’ils représentent de loin la plus grande menace mondiale en termes de nouveau charbon. Un rapport récent de Global Energy Monitor indique que 163 GW, soit plus de la moitié de l’augmentation de la capacité de production d’électricité au charbon prévue dans le monde, sont en Chine.
  • Si Bank of China veut mettre totalement fin au financement de l’expansion de l’industrie du charbon, la fin du financement direct n’est qu’une première étape puisque la grande majorité des financements passent par le financement général indirect des développeurs de charbon, ces entreprises qui prévoient encore de nouveaux projets charbon au niveau mondial. Les derniers chiffres publiés en février dernier indiquent qu’entre octobre 2018 et octobre 2020, Bank of China a financé plus de 100 des entreprises figurant sur la Global Coal Exit List à hauteur de 33 milliards USD, ce qui en fait le cinquième banquier du charbon au niveau mondial.

Les scores de Bank of China dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores liés à la politique charbon de Bank of China basés sur les 5 critères du Coal Policy Tool

Notre conclusion

Bank of China doit clarifier sa déclaration publique et se retirer des sept projets en cours dans lesquels elle est impliquée. Toutefois, cela ne suffira pas pour que Bank of China aide réellement la Chine dans son objectif d’atteindre le pic des émissions de carbone d’ici 2030 et de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2060, et encore moins si la banque entend s’aligner sur les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Pour ce faire, la prochaine étape immédiate pour Bank of China est de mettre fin au financement direct de nouveaux projets de charbon en Chine, ainsi qu’au financement indirect des développeurs de charbon dans le monde, et de rejoindre les huit banques internationales qui l’ont déjà fait, comme le Crédit Agricole ou BNP Paribas.

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