Communiqué de presse : Glasgow, mardi 2 novembre 2021.

Alors que la COP26 s’ouvre à Glasgow, Reclaim Finance publie un rapport (1) alertant sur les nombreux angles morts des coalitions internationales d’acteurs financiers. Alors que celles-ci visent à atteindre la neutralité carbone, aucune n’exige de ses membres qu’ils cessent de soutenir l’expansion des énergies fossiles et qu’ils se fixent des objectifs absolus de réduction d’émissions. Reclaim Finance appelle la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ)- rassemblant environ 300 acteurs financiers, soit 90 milliers de milliards de dollars – à exiger notamment de toutes les alliances et de leurs membres la fin des soutiens au développement du charbon, du pétrole et du gaz.

Six alliances (2) rassemblant désormais plus de 300 banques, gestionnaires et détenteurs d’actifs, assureurs, conseillers en investissements et fournisseurs de données – sont désormais fédérées par la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) pilotée par Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre et conseiller principal de la COP26 sur la finance.

Notre analyse montre qu’aucune des six alliances citées dans le rapport n’exige de ses membres :

  • qu’ils cessent les soutiens à l’expansion des énergies fossiles, un pré-requis indispensable pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C selon le scénario net zéro de l’Agence Internationale de l’Energie.
  • un recours limité et des règles claires d’utilisation des mécanismes de compensation
  • des objectifs de réduction des émissions en valeur absolue
  • que les efforts d’atténuation des entreprises en portefeuille portent également sur leurs émissions scope 3 où se trouve l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre.

Pour Patrick McCully, auteur du rapport et analyste senior à Reclaim Finance

“Le secteur financier parle beaucoup de climat, mais ce rapport révèle que ses alliances mondiales engagées vers le “net zéro” ne permettent pas du tout de répondre à l’urgence climatique. Que ce soit l’alliance des assureurs ou celle des banquiers, ou encore celles qui rassemblent les investisseurs, aucune ne se concentre sur le cœur du problème : les soutiens au charbon, au pétrole et au gaz. En prime, elles n’imposent pas à leurs membres de se fixer des objectifs de réduction en valeur absolue et laissent la porte grand ouverte à la compensation carbone. « Si Glasgow accueille bien la “COP de la Finance”, alors Mark Carney et les chefs de file des alliances ne doivent plus chercher à esquiver les questions qui fâchent mais au contraire s’assurer que les plus de 300 banques, assureurs, et investisseurs engagés pour la neutralité carbone via ces alliances s’attaquent au 1er des impératifs climatiques : l’expansion des énergies fossiles.”

Le rapport alerte sur la paralysie qui guette les alliances vu les délais trop longs et les échéances trop floues : les membres de la Net Zero Banking Alliance ont un délai de trois ans pour établir un objectif de baisse des émissions à 2030, et un an de plus pour expliquer comment ils les atteindront. Cela signifie qu’une banque comme JPMorgan Chase, à la fois le plus gros soutien bancaire aux énergies fossiles (3) et membre d’une alliance “net zéro” peut attendre 2025 pour annoncer son plan de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. La Net Zero Asset Managers Initiative rassemblant les gestionnaires d’actifs ne fixe aucune échéance à ses membres qui pourraient donc attendre 2050 pour s’engager sur des objectifs de réduction portant sur l’ensemble de leurs actifs sous gestion.

Même la Net-Zero Asset Owner Alliance (NZAOA), l’alliance mise en avant par le Secrétaire général des Nations Unies comme l’exemple à suivre, liste des principes mais n’impose pas à ses membres de les suivre. La NZAOA appelle notamment ses membres à ne plus investir dans de nouveaux projets de mines et de centrales à charbon mais n’en fait pas une obligation. A date de mi-octobre 2021, 34 des 58 de ses membres ne restreignaient pas les soutiens aux développeurs du secteur du charbon, et seulement 4 d’entre eux avaient une politique robuste sur le charbon (4).

Dans le rapport, Reclaim Finance appelle les alliances net zéro à s’attaquer aux soutiens accordés aux énergies fossiles pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, notamment en exigeant de leurs membres la fin des soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles en cohérence avec les récents rapports de l’Agence Internationale de l’Energie (5) ; et l’exclusion des entreprises qui ne prévoient pas de réduire leur production de charbon, pétrole et gaz.

Bill McKibben, auteur et co-fondateur de 350.org, interroge

“une alliance pour le climat qui ne parle pas d’énergies fossiles, c’est comme une campagne anti-tabac qui ne parle pas de cigarettes. Les engagements du secteur financier sur le climat n’auront aucune valeur tant qu’ils font mine d’ignorer les appels de l’Agence internationale de l’énergie à mettre fin aux soutiens pour les projets charbon, pétrole et gaz.

ADDENDUM : suite à des dialogues avec des ONG, y compris sur la base de ce rapport, la GFANZ a diffusé à la veille de la publication de ce rapport un document précisant de nouveaux engagements de la GFANZ. Le document précise que les membres peuvent être exclus de l’initiative « lorsque nécessaire » et indique que ses auteurs ont pour objectif d’accélérer la sortie des énergies fossiles, en accord avec les impératifs scientifiques sur le climat.

McCully a réagi

“C’est encourageant de voir la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) et la Race to Zero reconnaître le besoin de sanction et d’accélérer la sortie des énergies fossiles. Il faut maintenant que toutes les alliances net zero exigent de leurs membres que leurs stratégies d’alignement 1,5°C s’appuient sur des stratégies de sortie des énergies fossiles. C’est à l’aune de ce critère que nous jugerons l’efficacité de la GFANZ. »

Contacts presse :

  • Angus Satow, Media Manager, angus@reclaimfinance.org, +447847754046 (Glasgow)
  • Patrick McCully, Senior Analyst and report author, paddy@reclaimfinance.org, +1 510 213 1441 (California)

Notes :

  1. Le rapport s’intitule ‘It’s Not What You Say, It’s What You Do: Making the finance sector’s net-zero alliances work for the climate’ et est disponible ici en anglais.
  2. Les alliances étudiées dans le rapport sont les suivantes : la Net-Zero Asset Owner Alliance (NZAOA), la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAMI), la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), Net-Zero Insurance Alliance (NZIA), la Net Zero Investment Consultants Initiative (NZICI), and Net Zero Financial Service Providers Alliance (NZFSPA). Elles font toutes parties de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), pilotée par Mark Carney, établie par la présidence de la COP26, COP Presidency et accréditée par la campagne des Nations Unies « Race to Zero ». Plus d’information est disponible dans l’annexe du rapport.
  3. JPMorgan Chase est classé 1er soutien bancaire aux énergies fossiles dans le Banking on Climate Chaos report, publié en mars 2021. Voir la réaction de Reclaim Finance à l’adhésion de JPMorgan Chase à la Net Zero Banking Alliance (NZBA).
  4. Les chiffres sont tirés du Coal Policy Tool, un outil d’évaluation développé par Reclaim Finance pour suivre et noter les politiques charbon adoptées par les acteurs financiers.
  5. Dans le scénario net zero publié en mai, et dans le World Energy Outlook publié en octobre par l’Agence Internationale de l’Energie.