Sous le radar : comment les banques centrales investissent dans les pollueurs

24 novembre 2021

Un rapport de Reclaim Finance analyse les politiques d’investissement des banques centrales du G20 et de l’Eurosystème, révélant le retard de celles-ci lorsqu’il s’agit d’investir durablement et de prendre en compte l’impact de leurs investissements sur le climat. Ce rapport est publié alors que les banques centrales sont de plus en plus bavardes sur le climat, en appelant les institutions financières privées à prendre en compte les risques qu’il engendre pour leurs activités et en exhortant les gouvernements à agir.

Le rapport intitulé « Below the radar : how central banks are investing unsustainably » (Sous le radar : comment les banques centrales investissent de manière non durable), examine les politiques utilisées par les banques centrales du G20 et de l’Eurosystème pour leurs portefeuilles non monétaires. Le rapport identifie les lacunes de ces politiques, révélant notamment qu’une majorité de ces banques centrales n’ont pas de politique publique d’investissement durable ou responsable (ISR), tandis que celles qui en ont une ne tiennent pas compte de la nécessité d’intégrer les impacts et objectifs climatiques.

Principales conclusions :

  • L’introduction de critères climatiques dans les portefeuilles non politiques est une première étape facile à mettre en œuvre pour réduire l’impact climatique des banques centrales et démontrer leur sérieux en matière d’action climatique.
  • Seul un quart des banques centrales du G20, toutes européennes, se sont engagées nominalement à investir de manière responsable. Dans l’Eurosystème, huit banques centrales n’ont toujours pas adopté une quelconque approche ISR.
  • La Banque de France est la seule banque centrale à prendre sérieusement en compte la question du climat dans sa politique d’investissement, tandis que la Banque de Finlande a fait une annonce encourageante mais n’a pas encore dévoilé les critères qu’elle utilisera. Seules quatre banques centrales – en France, en Slovénie, en Allemagne et en Suisse – imposent des restrictions sur les énergies fossiles. À part en France, ces restrictions sont particulièrement limitées et permettent aux banques de continuer à financer l’expansion des énergies fossiles ou le secteur du charbon.
  • Les banques centrales utilisent cinq astuces pour se présenter comme des investisseurs responsables tout en continuant à investir dans les grands pollueurs : maintenir l’opacité ; investir dans des obligations vertes ; brandir les principes de l’investissement responsable (PRI) ; se concentrer sur l’approche « best-in-class » ; et se contenter de normes internationales peu exigeantes. Sur les quatorze banques centrales de l’Eurosystème ayant des politiques ISR, neuf sont très opaques, dont six qui ne divulguent aucune information crédible pour justifier leurs déclarations.

Le rapport exhorte les banques centrales à adopter des politiques fortes qui comprennent 1) un engagement général à s’aligner sur une trajectoire de 1,5°C et à sortir des énergies fossiles d’ici 2050 ; 2) une politique qui interdit les investissements dans les entreprises qui développent de nouveaux projets de production d’énergies fossiles ; 3) une politique de sortie du charbon alignée sur l’Accord de Paris ; 4) des restrictions concernant le pétrole et le gaz non conventionnels. Au-delà des investissements, le rapport appelle les banques centrales à décarboner leur politique monétaire – en commençant par leurs programmes d’assouplissement quantitatif et leurs cadres de garantie – et le Network For Greening the Financial System (NGFS) à promouvoir ces recommandations.