La veille du Climate Finance Day, les régulateurs financiers ont publié leur bilan annuel sur les engagements climatiques de la Place de Paris. Leur constat est sévère : l’AMF et l’ACPR déplorent le peu de progrès réalisés en un an et appellent les acteurs financiers français à traiter dans leurs politiques “du cas des entreprises qui ne suivent pas les conclusions de l’AIE et ont continué à développer des capacités fossiles” (1). Reclaim Finance appelle à des sanctions contre les acteurs financiers qui ignorent année après année les préconisations des régulateurs.
Un anaprès leur premier bilan sur les politiques pétrole et gaz des acteurs français, et deux ans après celui sur le charbon, les régulateurs font le point sur les progrès réalisés. Pour la première fois, ils ont également étudié l’efficacité des acteurs dans le suivi de leurs propres engagements. Résultat : l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) s’alarment notamment des faiblesses et du manque de transparence des politiques pétrole et gaz, qui ne sont pas plus ambitieuses que l’an dernier, et du non traitement de la question de l’arrêt du développement de nouvelles capacités de pétrole et de gaz dès 2021 (2).
Ils déplorent que leurs préconisations aient été “ dans l’ensemble assez peu suivies” et appellent les acteurs financiers à une meilleure gestion de leurs engagements climatiques avec la nécessité d’indicateurs de suivi pertinents et de contrôles périodiques renforcés. L’AMF souligne notamment une “faible intensité des activités d’engagement” des sociétés de gestion, avec des engagements majoritairement sans limite de temps, et “des faiblesses dans le suivi effectif des dialogues initiés auprès des émetteurs”.
“Pour rendre pleinement crédible les ambitions climatiques affichées”, les régulateurs appellent également les acteurs financiers à “rendre compte de façon plus robuste, plus transparente et plus homogène de leurs expositions aux énergies fossiles” (3).
Le rapport fournit ensuite des données (estimées) sur l’exposition des acteurs français au charbon, et pour la première fois au pétrole et au gaz, en se basant notamment sur les bases de données des Global Coal Exit List (GCEL) et Global Oil and Gas Exit List (GOGEL) de l’ONG allemande Urgewald (4). Rappelons tout d’abord que la GOGEL ne porte que sur une partie du secteur pétrolier et gazier.
- Les banques : D’après leurs déclarations, l’exposition au charbon des banques a diminué légèrement entre 2015 et 2021 (-3,5%). En revanche, l’exposition en valeur absolue des banques au pétrole et au gaz augmente significativement entre les mêmes dates, avec des estimations allant de 22% à 57% d’augmentation selon les méthodes utilisées.
- Les assureurs : Le rapport se focalise essentiellement sur l’exposition des assureurs aux énergies fossiles à travers leurs investissements sans pouvoir fournir la moindre information sur leurs couvertures d’assurance (pourtant leur coeur de métier). Si les données fournies par les assureurs eux-mêmes sur leurs investissements montrent une baisse de l’exposition au charbon (5), l’ACPR souligne la non fiabilité des données et l’impossibilité à ce jour d’avoir des éléments sur le passif des assureurs (l’exposition à des assurés des secteurs fossiles).
- Les investisseurs : D’après les estimations réalisées dans le rapport, l’exposition au charbon des fonds a augmenté en 2021 (d’au moins 10%) ainsi que l’exposition au pétrole et au gaz (20%). L’AMF appelle les sociétés de gestion à suivre ses préconisations, en déplorant des politiques imprécises et peu formalisées (6) ainsi que des exceptions problématiques pour les entreprises “en transition” (7).
Les régulateurs appellent donc notamment les acteurs financiers de la Place de Paris à :
- renforcer l’ambition des politiques pétrole et gaz en prenant en compte l’incompatibilité de l’expansion de ces énergies fossiles avec l’urgence climatique;
- rendre compte de façon plus robuste, plus transparente et plus homogène de leurs expositions aux énergies fossiles;
- mettre en place des indicateurs de suivi, notamment sur le financement des énergies fossiles, avec des contrôles périodiques et des objectifs intermédiaires.
Mais leurs préconisations faites en 2021 semblant avoir été ignorées par les grands acteurs de la Place, on peut s’inquiéter à juste titre de la manière dont ces nouvelles demandes seront reçues. Les régulateurs peinent à imposer des cadres aux acteurs français y compris pour obtenir une transparence suffisante pour pouvoir les comparer entre eux. Dans ce contexte, l’augmentation des expositions des acteurs financiers, particulièrement au pétrole et au gaz, en 2021, appelle une réaction politique immédiate et à l’imposition de sanctions contre les acteurs qui refusent d’arrêter de soutenir l’expansion des fossiles et continuent d’alimenter la crise climatique.
