Engie sommé par 16 investisseurs de clarifier son plan climat

Paris, le 27 mars 2023 : Un mois avant son Assemblée générale, Engie publie une résolution actionnariale déposée par 16 investisseurs demandant à l’entreprise l’organisation d’un Say on Climate, soit un vote consultatif sur sa stratégie climat. Reclaim Finance salue le signal fort envoyé par les investisseurs sur la nécessité pour Engie de réhausser l’ambition et la granularité de son plan climat et de renforcer le dialogue actionnarial. Cependant, l’ONG regrette le caractère timoré de cette résolution, qui échoue à formuler des exigences contraignantes, et appelle le gouvernement à légiférer de manière à encadrer le Say on Climate et renforcer le droit des actionnaires en matière de dépôt de résolutions.

16 actionnaires français et européens, parmi lesquels La Banque Postale Asset Management, PGGM, MN ou encore Ofi Invest, ont déposé une résolution en vue de l’Assemblée générale d’Engie le 26 avril prochain. Cette résolution vise à modifier les statuts de l’entreprise pour donner la possibilité à la direction d’organiser un vote sur son plan climat. Les investisseurs identifient dans l’exposé des motifs les indicateurs qu’ils souhaitent voir figurer dans le plan climat de l’entreprise et demandent par ailleurs l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée générale d’une discussion sur la publication de ces critères jugés essentiels pour mesurer l’ambition de l’entreprise.

Les investisseurs envoient un signal fort à Engie sur la nécessité de revoir son plan climat. Celui-ci est aussi lacunaire que non aligné sur l’objectif de limiter le réchauffement à 1.5°C et les investisseurs s’interrogent à juste titre sur la manière dont Engie compte sortir du gaz fossile tout en s’engageant sur des contrats d’importation de gaz de schiste sur près de 20 ans (1). Il est primordial que les investisseurs engagés pour le climat votent cette résolution.

Antoine Laurent, responsable Plaidoyer France chez Reclaim Finance.

Bien que les demandes formulées correspondent à ce qui devrait être adopté par toutes les entreprises cotées de manière à permettre aux investisseurs de jouer pleinement leur rôle dans la transition énergétique et la transformation écologique des entreprises, la mise en œuvre du dispositif demeure en pratique totalement soumise à la volonté de la direction (2).

Cette initiative s’inscrit dans un contexte politique et juridique incertain qui contraint les investisseurs à rester prudents dans la rédaction de la résolution afin de minimiser le risque de son rejet par la direction d’Engie. L’influence de l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) et du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) n’y est pas étrangère, alors que la place de Paris est en retard par rapport aux juridictions internationales et que l’AMF plaide dans le sens d’un progrès législatif.

La frilosité qui transparaît dans ces deux résolutions souligne encore une fois le besoin de légiférer pour rendre le Say on Climate obligatoire, encadrer son contenu, et faciliter le dépôt de résolutions actionnariales. Nous appelons le gouvernement à répondre aux attentes des investisseurs, y compris étrangers, pour que le dialogue actionnarial devienne enfin un réel levier d’action pour le climat.

Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.

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Notes :

  1. La résolution demande à ce que les actionnaires soient consultés tous les trois ans sur le plan climat, ou plus tôt si celui-ci connaît des modifications notables. Un vote annuel devrait être organisé sur la mise en œuvre du plan. Les indicateurs clés associés au plan climat sont uniquement précisés dans l’exposé des motifs et non dans le corps du texte de la résolution. Pour être adoptée, cette résolution doit recevoir l’approbation de 66 % des actionnaires.
  2. Dans ses dernières publications (rapport TCFD et Market Update 2023), la plan climat d’Engie présente des lacunes importantes et n’est aligné que sur une trajectoire “Well below 2°C” certifiée par le SBTi. Par exemple, les cibles de décarbonation d’Engie excluent les émissions liées à la production et au transport de gaz importé destiné à la vente ; le mix énergétique à horizon 2030 et 2045 n’est pas explicité (manque de précision sur le rôle du stockage notamment) ; pas de précision sur le rôle précis que joueront le biométhane, l’hydrogène et la capture de CO2 pour parvenir à une sortie du gaz fossile à horizon 2045.
  3.  La résolution a un caractère volontaire et non contraignant. Si elle est adoptée, la direction de l’entreprise ne sera soumise à aucune obligation statutaire d’organiser de Say on Climate ou de publier ces indicateurs. Par ailleurs, la publication des indicateurs décrits, dans l’exposé des motifs de la résolution comme essentiels restera purement facultative. Les actionnaires demandent en parallèle à la résolution à ce qu’ils fassent l’objet d’une discussion en assemblée générale, de manière déconnectée de l’organisation d’un vote sur le plan climat.

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2023-04-26T10:10:55+02:00