Fuir plutôt que prévenir : les assureurs face au dérèglement climatique

Paris, le 9 novembre 2023 – 50 ans après avoir pour la première fois alerté sur les risques climatiques, les assureurs se sont fait rattraper par les effets de leur inaction (1). C’est ce que révèle la coalition Insure our Future dans son nouveau rapport annuel “Insurance Scorecard” qui classe les politiques fossiles de 30 des plus grands (ré)assureurs au monde (2). Les Français ne font pas exception : AXA et SCOR continuent d’alimenter le dérèglement climatique en assurant toujours le développement de nouveaux projets pétro-gaziers, tout en réduisant leur couverture des catastrophes naturelles. Reclaim Finance appelle les (ré)assureurs à fermer la porte à tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers, sans exception, dont les nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié.

D’après l’Insurance Scorecard, 24 des 30 acteurs analysés disposent d’une politique charbon et 22 d’une politique pétrole et gaz, soit 4 de plus que l’an dernier (3). Cependant, seulement 10 (ré)assureurs ont pris l’engagement spécifique de ne plus couvrir de nouveaux champs pétroliers et gaziers (dont AXA, SCOR, Mapfre et HDI – Talanx en 2023) – un engagement affaibli par de nombreuses exceptions (4).

Pourtant, les pertes assurées dues aux catastrophes naturelles ont atteint des records ces deux dernières années et 2023 pourrait suivre le même chemin avec plus de US$ 100 milliards de pertes assurées estimées, selon le secteur de l’assurance (5). Conséquence : la crise du secteur de l’assurance représente l’un des six risques climatiques pour la planète, à cause de l’augmentation des prix de couverture et le retrait de certains assureurs de zones à risque, selon un rapport récent de l’ONU (6).

Cette année, le podium de l’Insurance Scorecard est laissé vide, symbole de l’incapacité des assureurs à répondre de manière adéquate à l’urgence climatique.

Le secteur de l’assurance a mis en garde pour la première fois contre les risques climatiques en 1973, et ceux-ci sont aujourd’hui devenus une sombre réalité, en particulier pour les pays et les communautés à faible revenu qui ont le moins contribué à la crise climatique. Les compagnies d’assurance abandonnent aujourd’hui les clients affectés par les risques climatiques. Pourtant, elles continuent d’alimenter la crise climatique en souscrivant et en investissant dans l’expansion des énergies fossiles.

Peter Bosshard, coordinateur international de Insure Our Future et principal auteur de l’Insurance Scorecard

Le Français AXA se fait devancer par trois de ses concurrents européens par rapport à l’année dernière et finit désormais à la 8e place. Le réassureur SCOR arrive de son côté en 13e position. Si les deux (ré)assureurs ont annoncé cette année ne plus couvrir de nouveaux champs gaziers, en plus de leurs engagements sur les champs pétroliers pris en 2022, ils conservent une exception pour les entreprises qui seraient jugées “en transition” selon certains critères (7), sans prendre en compte si ces entreprises développent de nouveaux projets fossiles. L ’absence d’un tel critère permettrait à AXA d’assurer de nouveaux projets pétro-gaziers d’entreprises comme TotalEnergies, 7ème développeur mondial de projets de production de pétrole et de gaz (8)(9).

AXA et SCOR sont sanctionnés pour leur soutien répété aux plus grandes entreprises développant de nouveaux projets pétro-gaziers qu’ils considèrent en transition. AXA et SCOR paient pourtant toujours plus cher le coût des catastrophes naturelles. Plutôt que de faire exploser le prix de leurs couvertures face aux risques climatiques pour maintenir leur rentabilité, ils devraient commencer par arrêter de soutenir les entreprises responsables de cet emballement climatique.

Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne assurance chez Reclaim Finance

Autre angle mort des politiques, AXA et SCOR acceptent toujours de couvrir les nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), alors que l’Agence internationale prévoit la fin du développement de nouveaux terminaux pour atteindre la neutralité carbone en 2050 dans son scénario Net Zero Emissions.

Reclaim Finance appelle les (ré)assureurs évalués dans l’Insurance Scorecard, et notamment AXA et SCOR, à ne plus couvrir tous les nouveaux champs de pétrole et de gaz sans faire d’exception pour ceux développés par les entreprises qu’ils considèrent, à tort, comme “en transition” et à cesser de soutenir le développement de nouveaux terminaux de GNL.

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Notes :

  1. L ‘assureur Munich Re avait alerté dès 1973 sur l’intensification des variations climatiques et des risques d’inondation.
  2. L’Insurance Scorecard analyse l’évolution du rôle de l’industrie mondiale de l’assurance dans le changement climatique et le développement des énergies fossiles. Le rapport annuel se concentre sur 30 des plus grands assureurs et réassureurs au monde, évaluant et notant leurs politiques en matière d’assurance et d’investissement dans le charbon, le pétrole et le gaz.
  3. Chubb, MS&AD, Samsung FM et Tokio Marine ont dévoilé en 2023 leur première politique pétrole et gaz, loin des meilleurs standards des (ré)assureurs européens.
  4. Allianz, Aviva, AXA, Generali, Hannover Re, HDI – Talanx, Mapfre, Munich Re, SCOR, Swiss Re ont tous pris l’engagement de ne plus couvrir les nouveaux champs pétroliers et gaziers. Plus d’informations sur leurs engagements dans l’Oil and Gas Policy Tracker
  5. Artemis, Insured catastrophe losses $93bn to end of September: Gallagher Re, 2023. La barre des US$ 100 milliards de pertes assurées dues aux catastrophes naturelles n’avait été dépassée que 3 fois entre 1990 et 2020 selon le Swiss Re Institute
  6. United Nations University, 2023 Interconnected Disaster Risks report, octobre 2023
  7. Dans l’analyse de ses clients, AXA considère notamment les critères suivants :
    • Investissements dans des activités bas carbone (dépenses d’investissements ou CAPEX importants)
    • Volonté d’avoir un impact significatif sur la transition (par exemple, avec des engagements crédibles à long terme soutenus par des objectifs de décarbonation intermédiaires).
    • Stratégie de transition énergétique (mix énergétique, actifs bas carbone, gouvernance et politique climatique)
    • Gestion des émission de gaz à effet de serre (intensité carbone, émissions de méthane, cibles de réduction d’émissions de GES)
  8. D’après les données de la base de données Global Oil and Gas Exit List
  9. AXA IM, filiale de gestion d’actifs du groupe AXA, a notamment voté contre la résolution climatique déposée par une coalition de 17 investisseurs, demandant à TotalEnergies d’aligner ses objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre indirectes, dites de “scope 3”, avec l’Accord de Paris à horizon 2030.

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2023-11-08T17:55:50+01:00