En juin 2024, Groupama (1) est devenu le 10e assureur-vie français (2) à refuser d’acheter les futures obligations des entreprises développant encore de nouveaux champs pétro-gaziers. Reclaim Finance salue cette nouvelle mesure mais regrette que Groupama ne s’engage pas, par la même occasion, à ne plus acheter de nouvelles obligations des entreprises développant de nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL). Suravenir et MACSF sont toujours les deux seuls assureurs-vie avec des restrictions concernant les développeurs de GNL. Groupama a également manqué l’opportunité d’appliquer ses engagements à son offre en unités de compte (UC). Reclaim Finance appelle les leaders du marché, Crédit Agricole Assurances, BNP Paribas Cardif et AXA, à suivre à minima la voie tracée par Groupama.
A travers la publication de son dernier rapport article 29 LEC, Groupama, parmi les 10 plus importants assureurs-vie français, renforce son engagement dans la lutte contre l’expansion pétro-gazière et met à jour ses engagements précédents qui se concentraient uniquement sur l’expansion pétro-gazière non-conventionnelle (3).
Fin des nouveaux investissements du fonds euro dans les développeurs pétro-gaziers upstream
Depuis le 1er juillet 2024, le groupe Groupama a pris l’engagement de ne plus investir en direct ou via ses mandats gérés par Groupama AM dans des obligations et actions cotées de ces entreprises. Cette mesure s’applique notamment aux investissements de Groupama Gan Vie (GGVie), principale filiale de Groupama (68 % du portefeuille d’investissements du groupe) (4), faisant de GGVie le dixième assureur-vie engagé à ne plus utiliser le fonds euro de ses clients pour investir dans des entreprises développant de nouveaux projets de pétrole et gaz upstream (exploration et production).
Une mesure qui va dans le sens de son engagement de neutralité carbone à 2050 en tant que membre de la Net Zero Asset Owner Alliance (NZAOA) et en ligne avec les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). En effet, depuis près de 3 ans déjà, l’AIE projette dans son scénario de neutralité carbone à 2050 (Net Zero Emissions by 2050 ou NZE) (5) un arrêt du développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers approuvés après 2021. Lors de la dernière mise à jour de ce scénario, l’AIE a également inclus l’arrêt du développement de nouvelles infrastructures de transport telles que les pipelines et les terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) (6).
Aucune garantie pour lutter contre l’expansion du gaz naturel liquéfié (GNL)
Si Groupama a en partie rehaussé son engagement dans la lutte contre l’expansion pétro-gazière, il ne garantit pas un arrêt total de son soutien aux entreprises développant de nouveaux projets pétro-gaziers sur une partie de la chaîne de valeur : le groupe peut encore investir dans des entreprises développant de nouveaux projets de pétrole et gaz midstream (transport et stockage) dont les nouveaux terminaux d’exportation de GNL.
Groupama ne va pas aussi loin que les assureurs-vie Suravenir et MACSF engagés à ne plus acheter de nouvelles obligations de ces entreprises en ligne avec leur engagement de neutralité carbone dans leurs portefeuilles d’investissements. Ne plus fournir d’argent frais à ces entreprises est pourtant nécessaire pour éviter de soutenir une industrie gazière dont les plans d’expansion vont à rebours des projections de l’AIE : les producteurs de GNL comptent tripler leur capacité de production dans le monde passant de 480 millions de tonnes par an (Mtpa) à 1480 Mtpa (7) alors que le scénario NZE projette une diminution de 73 % de la production de gaz fossile d’ici à 2050 (8).
Un périmètre d’application de la politique pétrole et gaz à renforcer
La décision prise par Groupama d’arrêter des nouveaux investissements dans les développeurs pétrole et gaz upstream s’applique aux investissements directs du fonds euro (dont mandats de gestion) de GGVie (9). N’entrent pas dans la périmètre des engagements de GGVie les investissements indirects de son fonds euro (investissements dans des fonds ouverts) ainsi que son offre en unités de compte (UC) représentant près de 20 % des encours de GGVie (10). Une partie de l’épargne de ses clients peut donc encore soutenir les plans d’expansion des grands développeurs pétro-gaziers malgré les nouveaux engagements de l’assureur-vie.
Concernant son offre UC, si GGVie indique appliquer un cahier des charges stricte (due diligence) lors du référencement de nouveaux fonds dans son offre, l’assureur-vie pourrait encore proposer à ses clients des fonds exposés à des entreprises développant de nouveaux champs pétro-gaziers. D’après une récente analyse menée par Rift et Reclaim Finance, parmi plus de 8000 UC analysées chez plus de 20 assureurs-vie, deux tiers sont exposées à de telles entreprises.
Le besoin d’assurer la cohérence des engagements au niveau groupe
Autre problème, si les investissements directs du fonds euro de GGVie et ses investissements dans les fonds dédiés gérés par Groupama AM entrent dans le périmètre d’application des engagements de Groupama, d’autres investissements sont exclus : c’est le cas des investissements pour compte de tiers de Groupama AM, soit près de 27 % des ses investissements (11) (12).
Afin d’assurer la cohérence des mesures prises au niveau groupe, Groupama AM doit appliquer la mesure d’exclusion des développeurs pétrole et gaz upstream à sa gestion pour compte de tiers. Il doit également faire évoluer sa politique d’engagement et s’opposer systématiquement aux plans d’expansion des entreprises pétro-gazières.
Cela passe notamment par un vote contre leurs plans climat à travers les résolutions dites “Say-On-Climate” et contre les résolutions stratégiques de routine comme la réélection des administrateurs, l’approbation de la rémunération, l’approbation des comptes financiers ou encore le versement des dividendes. En 2023, Groupama AM a voté pour le Say-On-Climate de TotalEnergies (13), soutenant ainsi sa stratégie d’expansion pétro-gazière climaticide (14). Un vote de Groupama AM au nom notamment de GGVie puisque l’assureur-vie délègue près de 94 % de ses actifs à Groupama AM. Si GGVie a voté en faveur du plan climat de ToatlEnergies à travers le vote de Groupama AM, 10 autres assureurs-vie se sont opposés à cette stratégie en cohérence avec leur politique pétrole et gaz (15).
Si les mesures annoncées en juin par Groupama ne mettent pas définitivement fin à son soutien à l’expansion pétro-gazière sur l’ensemble de la chaîne de valeur, elles viennent réhausser l’ambition climatique du groupe. Malgré les améliorations encore possibles, Groupama rappelle aux autres assureurs-vie français que l’expansion pétro-gazière upstream, qu’elle soit conventionnelle ou non-conventionnelle, ne peut plus être soutenue par des assureurs-vie visant la neutralité carbone en 2050. Reclaim Finance appelle désormais les plus grands assureurs-vie de la place de Paris comme Crédit Agricole Assurances, BNP Paribas Cardif et AXA à suivre à minima la voie empruntée par Groupama.