À quoi devrait ressembler le plan de transition climatique d’une banque, d’un investisseur ou d’un assureur ? Cette question occupe une place prépondérante dans le débat sur la décarbonation du secteur financier, dans un contexte de renforcement des exigences réglementaires et de supervision. La nouvelle note de Reclaim Finance présente des recommandations pour que les institutions financières construisent des plans de transition solides et identifie les « lignes rouges » qui montrent que de tels plans sont manifestement insuffisants. Si ce travail servira à analyser l’ensemble des éléments divulgués par les banques, un récent rapport de Reclaim Finance révélant leur soutien continu au développement des énergies fossiles montre déjà à quel point le chemin à parcourir reste long.
Une nouvelle carte : des plans de transition climatique solides pour les institutions financières
L’adoption de plans de transition par les institutions financières est essentiel car celles-ci ne financent pas « l’économie d’aujourd’hui », elles financent l’économie de l’année prochaine, de 2030, de 2040 et des décennies suivantes. Les services qu’elles fournissent permettent aux entreprises de développer de nouveaux projets, de lancer des produits et de se développer. Ce faisant, les institutions financières façonnent l’économie du futur. Mais si elles la calquent sur l’économie actuelle, elles contribueront à l’inaction et à la perpétuation d’un statu quo destructeur pour le climat.
Pour tracer une nouvelle voie, nous avons besoin d’une nouvelle carte. Les plans de transition climatique peuvent jouer ce rôle, à condition qu’ils soient suffisamment ambitieux, solides et appliqués. En effet, les plans de transition deviennent progressivement l’un des principaux critères d’évaluation de la manière dont les sociétés financières s’attaquent – ou non – au changement climatique dans leurs stratégies. (1)
La nouvelle note de Reclaim Finance fournit des recommandations pour élaborer des plans de transition climatique solides. Elle définit des critères essentiels concernant les objectifs de décarbonation, les stratégies de décarbonation, l’engagement public et privé, le reporting et la gouvernance, ainsi que la biodiversité et la transition juste. Parmi ces critères, elle identifie des « lignes rouges » qui représentent des lacunes et insuffisances majeures dans les plans potentiels. (2)
Regarder le tabou fossile en face
L’arrêt des services financiers liés à l’exploitation des énergies fossiles est une caractéristique essentielle de tout plan de transition climatique, et donc l’une des « lignes rouges » identifiées par Reclaim Finance. Cette nécessité découle de la réalité physique selon laquelle la consommation des réserves actuellement exploitées de charbon, de pétrole et de gaz nous poussera au-delà d’un réchauffement de 1,5°C, voire de 2°C. (3) Cette réalité apparaît clairement dans les scénarios climatiques 1,5 °C qui reposent sur des hypothèses réalistes, notamment le scénario “Net-Zero by 2050” (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). (4) Elle est également largement reconnue dans les cadres et les recommandations concernant la création de plans de transition, notamment ceux du groupe d’experts de haut niveau des Nations unies (UN HLEG) ou du collectif ATP-Col (Assessing-Low Carbon Transition Collective). (5)
Cependant, les 20 plus grandes banques européennes sont à des années-lumière de satisfaire à cette exigence. Elles ont participé à 982 transactions avec des développeurs de pétrole et de gaz depuis 2021. Et, l’idée selon lequel une part importante de ces transactions est allée à des entreprises qui développent également des énergies durables est rapidement démoli par le fait que 72 % des financements accordés par ces banques aux six plus grandes entreprises pétrolières et gazières européennes ont servi à financer des énergies fossiles entre 2021 et 2023. (6)
Ces conclusions ne peuvent que signifier que les banques européennes analysées ne peuvent pas aujourd’hui prétendre avoir un plan de transition. Malheureusement, au-delà de ces banques, les recherches de Reclaim Finance montrent que seule une poignée d’institutions financières – qu’il s’agisse de banques, de gestionnaires d’actifs, de propriétaires d’actifs ou de (ré)assureurs – ont réduit leur soutien au développement du charbon, du pétrole et du gaz. (7)
La nouvelle note de Reclaim Finance contient des recommandations que les institutions financières devraient mettre à profit pour élaborer des plans de transition solides. Si une analyse exhaustive des stratégies climatiques actuelles est utile – et sera bientôt réalisée par l’ONG pour les banques européennes – nous ne pouvons pas ignorer le fait qu’elles franchissent déjà la « ligne rouge » le plus élémentaire identifié : le soutien au développement des énergies fossiles. Les décideurs politiques et les superviseurs financiers doivent mobiliser tous les outils à leur disposition pour exiger des institutions financières qu’elles adoptent des plans de transition garantissant la fin de ces services en totale contradiction avec les objectifs climatiques et toute aspiration à la transition. (8)
 
 
 
