Copublié avec Urgewald
Paris, le 23 avril – La Banque centrale européenne (BCE) met en péril la transition vers des énergies soutenables en soutenant encore très récemment des entreprises du secteur du charbon ou qui développent de nouveaux champs pétroliers et gaziers. C’est ce que révèle une nouvelle analyse publiée aujourd’hui par Reclaim Finance et Urgewald (1), qui souligne l’incapacité de la BCE à mettre en œuvre des mesures pour “verdir” son système de garanties, appelées “collatéraux”, après l’abandon de telles mesures en 2024. Alors que la BCE est actuellement en train de revoir sa stratégie de politique monétaire, les ONG l’appellent à y inclure des mesures sur son système de garanties, afin de ne plus accepter des actifs liés à des activités détruisant l’environnement (2).
De nouveaux actifs de 9 entreprises des énergies fossiles ont été ajoutés par la BCE à sa liste d’actifs pouvant être utilisés en garantie depuis juillet 2024, date à laquelle elle est revenue en arrière sur ses promesses de verdir les collatéraux. Parmi ces entreprises, des géants pétro-gaziers tels TotalEnergies, BP et Eni. En tout, les nouveaux actifs représentent près de 13 milliards d’euros émis sur les marchés financiers (3).
Parmi ces actifs, présents en mars 2025 (4), certains ont une maturité pouvant aller jusqu’à 20 ans, ce qui envoie un message clair au système financier : les énergies fossiles peuvent être considérés comme un investissement sûr pour les années à venir.
Dans le cadre du dispositif de garantie de la BCE, les banques qui lui demandent un prêt présentent en échange des garanties qui sont des actifs (par exemple des obligations d’entreprises), la BCE indiquant en amont quels actifs peuvent être acceptés. En 2022, la BCE a déclaré qu’elle intégrerait le climat dans son cadre de garanties, notamment en limitant la part des actifs émis par des entreprises fortement émettrices. Mais en juillet 2024, la BCE a abandonné ce projet.
Aucune nouvelle mesure n’a été introduite depuis cet abandon. Conséquence : un certain nombre d’entreprises du secteur des énergies fossiles continue de bénéficier du système de garanties, ce qui peut permettre à ces entreprises d’avoir des conditions de financement plus favorables étant considérées comme fiables par la BCE (5).
La BCE a déclaré vouloir verdir ses activités, mais en réalité, elle soutient certaines des entreprises les plus polluantes d’Europe. Pendant que les banquiers centraux tergiversent sur la marche à suivre, le niveau des mers monte et les communautés du monde entier ressentent les effets du dérèglement climatique. Il est temps que la BCE cesse de mettre en péril la transition vers un avenir durable en mettant fin à son soutien au charbon, et à l ‘expansion du pétrole et du gaz.
Clarisse Murphy, chargée de campagne banques centrales chez Reclaim Finance
Le mois dernier, Günther Thallinger, membre du conseil d’administration de l’assureur Allianz, a averti qu’avec un réchauffement de 3°C, « le système financier tel que nous le connaissons cessera de fonctionner » et a appelé à prendre des mesures immédiates (6).
Les décideurs du secteur financier perçoivent les menaces fondamentales de l’aggravation de la crise climatique dans leur vie et dans leurs activités. L’analyse de M. Thallinger est un appel à l’action pour les régulateurs financiers et les banques centrales. La BCE devrait l’écouter attentivement et prendre les mesures qui s’imposent pour améliorer son cadre de garanties.
Fiona Hauke, chercheuse à Urgewald
Reclaim Finance et Urgewald appellent la BCE et les banques centrales nationales, dont la Banque de France, à se servir de la révision de la stratégie monétaire de la BCE d’ici juillet pour cesser d’accepter comme garanties des actifs liés à des activités destructrices de l’environnement et d’exclure les entreprises qui développent l’exploration et la production de pétrole et de gaz, ou qui continuent de dépendre du charbon.