BNP Paribas Cardif isole un peu plus AXA et Crédit Agricole Assurances

En avril 2025, BNP Paribas Cardif a pris un engagement public aligné sur ceux du groupe BNP Paribas (1). L’assureur-vie est devenu le 3e des cinq plus grands assureurs-vie français, après CNP Assurances et Société Générale Assurances, engagé à ne plus investir dans les nouvelles obligations des entreprises développant de nouveaux champs de pétrole et de gaz. Suravenir et MACSF restent cependant les deux seuls assureurs-vie à avoir appliqué la même mesure aux obligations des entreprises développant de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Si plus de détails concernant son engagement sont attendus, BNP Paribas Cardif envoie un signal fort à ses deux grands concurrents Crédit Agricole Assurances et AXA continuant encore à investir l’épargne de leurs clients dans les entreprises poursuivant l’expansion de la production pétro-gazière.

Fin avril 2025, BNP Paribas Cardif a indiqué sur son site que les obligations “émises sur le marché primaire par des sociétés d’exploration et de production de pétrole et de gaz” ne faisaient plus partie de son univers d’investissements. La filiale d’assurance et d’assurance-vie du groupe BNP Paribas s’aligne ainsi sur les mesures annoncées par le groupe lors de son assemblée générale en mai 2024 et suivies quelques mois après par sa filiale de gestion d’actifs BNP Paribas Asset Management.

L’assureur-vie devra cependant faire preuve de plus de transparence dans les prochains mois en partageant, dans son futur rapport article 29 LEC (2), des informations complémentaires sur le périmètre d’application (investissements directs et/ou indirects) de son engagement. Un détail important puisque près d’un cinquième du fonds euro de BNP Paribas Cardif est investi dans des fonds (investissements indirects) (3).

3 des 5 plus grands assureurs-vie n’achètent plus les nouvelles obligations des entreprises développant de nouveaux champs de pétrole et de gaz

L’engagement de ne plus acheter de nouvelles obligations des entreprises développant de nouveaux champs pétroliers donne enfin suite à l’engagement de BNP Paribas Cardif d’atteindre la neutralité carbone dans son portefeuille d’investissements en tant que membre de la Net Zero Asset Owner Alliance (NZAOA) (4).

Un signal contre l’expansion pétro-gazière d’autant plus significatif que BNP Paribas Cardif rejoint désormais Société Générale Assurances et CNP Assurances ayant déjà pris une telle mesure (5). Ces assureurs-vie font tous les trois partie du top 5 en France représentant plus de 50 % du marché (6). Avec son nouvel engagement, BNP Paribas Cardif isole un peu plus Crédit Agricole Assurances et AXA, respectivement leader et 5e du marché, s’autorisant toujours à placer l’épargne de leurs clients dans les nouvelles obligations des entreprises développant de nouveaux champs pétro-gaziers.

BNP Paribas Cardif doit aller plus loin pour cesser tout soutien à l’expansion pétro-gazière

La nouvelle mesure prise par BNP Paribas Cardif met fin au soutien de l’assureur-vie pour les entreprises développant de nouveaux champs pétroliers et gaziers (upstream). Or l’assureur-vie peut encore investir dans des entreprises développant des projets de GNL (midstream), pourtant eux aussi incompatibles avec une trajectoire 1,5°C d’après le scénario Net Zero Emissions by 2050 (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) (7).

Alors que ce scénario projette la fin des nouveaux terminaux d’export de GNL pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, les industriels du gaz prévoient de tripler leurs capacités de production de GNL à travers le développement de plus de 60 nouveaux terminaux d’exportation de GNL. Les fuites de méthane observées sur la chaîne de valeur du GNL mettent en péril l’atteinte de la neutralité carbone à 2050 qui implique notamment une réduction des émissions de méthane dans l’industrie fossile de 75 % d’ici à 2030 selon l’AIE (8).

BNP Paribas Cardif, tout comme les autres branches BNP Paribas CIB et BNP Paribas AM doivent encore s’engager à ne pas soutenir une telle expansion en stoppant leurs soutiens financiers (nouveaux investissements, participation à l’émission d’obligations) aux entreprises développant ces nouvelles infrastructures gazières.

Deux assureurs-vie, MACSF et Suravenir ont déjà pris cette voie, allant même plus loin en stoppant leurs nouveaux investissements obligataires dans les entreprises développant de nouveaux terminaux d’exportation et d’importation de GNL.

Soutenir la transformation du secteur énergétique

Si le groupe BNP a mis en place des mesures ambitieuses de soutien aux énergies renouvelables (9), la transition énergétique juste défendue par BNP Paribas n’aura pas lieu sans que le groupe ne restreigne plus fortement son soutien à l’expansion gazière gaz sur la partie downstream de la chaîne de valeur (centrales à gaz).

Plus de 90 nouveaux terminaux d’importations (regazéification du GNL) de GNL sont prévus d’ici à 2030. Des plans d’expansion disproportionnée par rapport aux besoins alors qu’en 2024, les capacités mondiales de regazéification de GNL étaient déjà plus de deux fois supérieures aux capacités de liquéfaction de gaz (10)(11).

De leur côté, les producteurs d’électricité prévoient une augmentation de 25 % de leur capacité de production d’électricité à partir de sources fossiles à travers le développement de nouvelles centrales à gaz pour une capacité installée d’environ 600 MW (12).

Un pari sur le gaz dans le système électrique mettant en danger l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone à 2050. Pour atteindre cet objectif, l’AIE projette au contraire une chute drastique de la production d’électricité à partir de gaz de 93 % d’ici à 2050 (13) et une production d’électricité mondiale 100 % décarbonée d’ici à 2040 (14).

La mesure prise par BNP Paribas Cardif est un jalon de plus vers l’arrêt du soutien du groupe BNP Paribas à l’expansion pétro-gazière upstream. Parmi les cinq plus grands assureurs-vie, seuls Crédit Agricole Assurances et AXA s’autorisent encore à soutenir les entreprises développant de nouveaux champs de pétrole et de gaz via l’achat de leurs nouvelles obligations. De son côté, le groupe BNP Paribas doit désormais prendre de nouvelles mesures visant les nouvelles infrastructures gazières midstream et downstream afin de stopper définitivement son soutien à l’expansion pétro-gazière. 

Notes :

  1. BNP Paribas Cardif, Être un investisseur responsable, avril 2025
  2. Dénomination complète : rapport de durabilité conforme aux exigences de l’article 29 de la Loi Énergie Climat (29LEC) aussi appelé “rapport 29 LEC”
  3. Cardif Assurance Vie, Rapport Investissement Responsable 2023 (article 29), 2024
  4. Voir les membres de la Net Zero Asset Owner Alliance sur le site des Nations Unies
  5. Au total, 11 assureurs-vie français se sont engagés à ne plus investir dans les nouvelles obligations des entreprises développant de nouveaux champs de pétrole et de gaz : Abeille Assurances (groupe Aéma), CNP Assurances, Groupama Gan Vie (groupe Groupama), Macif (groupe Aéma), MACSF, Maif, Matmut, AG2R La Mondiale, Société Générale Assurances, Suravenir (Crédit Mutuel Arkéa) et désormais BNP Paribas Cardif
  6. D’après les chiffres liés aux provisions techniques de Predica (Crédit Agricole Assurances), CNP Assurances, Cardif Assurance Vie (BNP Paribas Cardif), AXA France Vie et Sogécap (Société Générale Assurances), ces 5 assureurs-vie disposaient d’environ 950 milliards d’euros de provisions sur les 1800 milliards d’euros de provisions en assurance-vie à fin juin 2024 d’après l’ACPR.
  7. AIE, World Energy Outlook 2024, 2024
  8. AIE, World Energy Outlook 2024, 2024
  9. D’après son site internet, BNP Paribas est exposé à hauteur de 36,8 milliards d’euros de crédits consacrés à la production d’énergies bas carbone à fin septembre 2024
  10. Selon le World LNG Report de l’International Gas Union, à fin février 2024, la capacité de liquéfaction mondiale (transformation du gaz en gaz naturel liquéfié) atteignait 483 millions de tonnes
  11. Selon l’European LNG tracker de l’organisation IEEFA, rien qu’en Europe, la moitié des terminaux d’importation ont un taux d’utilisation inférieur à 40 %, illustrant bien la surcapacité d’importation de GNL.
  12. Urgewald, Oil and Gas Exit List (GOGEL), 2024
  13. D’après le Net Zero Emissions Scenario de l’AIE mis à jour en 2023, la neutralité carbone à 2050 implique une baisse de la demande en gaz pour la production d’électricité de 1 638 milliards de m3 en 2022 à 112 milliards de m3 en 2050.
  14. AIE, World Energy Outlook 2024, 2024

lire aussi

2025-05-07T17:36:34+02:00