Alors que TotalEnergies continue son expansion pétro-gazière, en particulier en Afrique, de nombreux investisseurs dénoncent sa stratégie climaticide (1) et les effets destructeurs de ses projets pétroliers et gaziers. Loin de se satisfaire des déclarations de son PDG Patrick Pouyanné qui la dépeint comme un leader de la transition énergétique, certains d’entre eux décrivent une entreprise qui refuse de changer malgré leurs alertes. Reclaim Finance a dressé l’inventaire de leurs stratégies pour peser sur TotalEnergies et les entreprises pétro-gazière et a recensé au moins 50 investisseurs qui se sont engagés à ne plus apporter d’argent frais à l’entreprise.
Sources : Oil and Gas Policy Tracker, Global Fossil Fuel Divestment Commitments Database, Financial Exclusion Tracker, Net Zero Finance Report Card, septembre 2025.
Une vague d’exclusions d’investisseurs pour dénoncer l’immobilisme du secteur pétro-gazier
Depuis l’Accord de Paris, poussés par les mouvements pour la justice climatique, des investisseurs ont choisi d’exclure les entreprises fossiles de leurs investissements. En Irlande, suite à l’adoption du Fossil Fuel Divestment Act par le parlement en 2018, le fonds souverain Ireland Strategic Investment Fund a ainsi cédé ses actifs dans les énergies fossiles en 2019 (4). Dans les années qui ont suivi, d’autres détenteurs d’actifs, comme l’Ircantec en France (5), ABP – plus important fonds de pension néerlandais – ou AkademikerPension – fonds de pension danois – ont également annoncé exclure toutes les entreprises qui développent des projets pétroliers et gaziers, un porte-parole de ce dernier déclarant que leurs dirigeants « refusent tout simplement de (…) changer de cap climatique (…) en cohérence avec les objectifs de l’accord de Paris » (6).
D’autres investisseurs adoptent une approche au cas par cas en excluant des entreprises spécifiques, parmi lesquelles TotalEnergies, du fait de leurs impacts sur le climat ou les droits humains. Le fonds de pension danois AP Pension a ainsi spécifiquement cité Shell et TotalEnergies parmi « les entreprises qui rendent difficile l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris » en annonçant sa décision d’exclure la majorité des entreprises du secteur de son portefeuille (7). De son côté le gestionnaire d’actifs néerlandais MN, après avoir coordonné le dialogue des investisseurs du Climate Action 100+ avec TotalEnergies, justifiait sa décision d’exclure l’entreprise de son portefeuille par « des années d’engagement intensif sur le climat, sans succès » (8).
Le gestionnaire d’actifs néerlandais Cardano (anciennement Actiam) et le fonds de pension danois PKA ont quant à eux choisi de céder leurs investissements dans l’entreprise en raison du projet EACOP en Ouganda (9). PKA, après avoir mis TotalEnergies « sous surveillance » pendant 2 ans, expliquait ainsi sa décision : « nous étions en dialogue depuis plusieurs années, sans qu’ils répondent à nos critiques » (10). Le gestionnaire d’actifs scandinave Nordea Asset Management a quant à lui mis TotalEnergies “en quarantaine”, suspendant tout nouvel achat d’actions ou d’obligations de l’entreprise, en raison des nombreuses accusations de violations de droits humains entourant le projet (11).
Des investisseurs qui cessent de soutenir tout en gardant un pouvoir de sanction
Ces décisions et les critiques frontales qui les accompagnent en disent long sur le manque de volonté de TotalEnergies et du secteur pétro-gazier de prendre au sérieux la crise climatique et les demandes de ses actionnaires sur le climat. Pourtant, elles privent les investisseurs qui cèdent leurs actions dans les entreprises pétro-gazières de leur pouvoir d’influer sur les stratégies et les projets de ces entreprises. Ceux-ci ne peuvent en effet plus voter lors des assemblées générales de ces entreprises, et ainsi faire obstruction à leur expansion fossile.
En France, des assureurs comme CNP Assurances, MACIF ou MAIF ou des gestionnaires d’actifs comme Mandarine Gestion ou Tikehau Capital ont adopté des politiques qui excluent tout nouvel investissement dans les entreprises qui, comme TotalEnergies, développent de nouveaux champs de pétrole et de gaz, tout en les gardant en portefeuille. Ils conservent ainsi leur pouvoir d’actionnaire en assemblée générale pour sanctionner les stratégies des dirigeants de ces entreprises.
L’entreprise ayant refusé en 2025 de faire voter ses actionnaires sur son plan climat, les investisseurs gardent la possibilité d’exprimer leur désaccord avec son conseil d’administration en votant contre la réélection de ses membres, la rémunération des dirigeants ou l’approbation des états financiers. Voter contre ces résolutions stratégiques envoie un signal fort à la direction de TotalEnergies, en lui montrant que son refus de s’aligner avec le scénario “Net Zero Emissions by 2050” de l’Agence Internationale de l’Energie entraîne des sanctions systématiques de la part de ses actionnaires.
Le gestionnaire d’actif français Ofi Invest Asset Management, dont la procédure d’escalade prévoit des votes sanctions pour les entreprises qui “n’adoptent pas une dynamique positive” (12), a ainsi a voté contre la réélection du PDG de TotalEnergies en 2024 et contre sa rémunération en 2024 et 2025. Union Investment, deuxième actionnaire allemand de TotalEnergies, s’est quant à lui engagé à voter contre les résolutions proposées par la direction des entreprises qui augmentent leur production de pétrole et de gaz (13). Lors de l’assemblée générale 2025 de TotalEnergies, l’investisseur a ainsi voté contre la réélection d’une administratrice, et a exprimé publiquement sa préoccupation à propos des projets EACOP et Mozambique LNG, appelant à un audit international indépendant de ce dernier. Une déclaration accompagnée de l’exclusion de TotalEnergies de ses fonds “soutenables” (14).
Parmi les stratégies qui s’offrent aux investisseurs qui veulent agir pour le climat, seule l’adoption de politiques ambitieuses et exhaustives leur permettra de signifier clairement leur opposition à l’expansion fossile. Ces politiques doivent associer arrêt des nouveaux investissements dans les entreprises fossiles, votes de sanction et dénonciation publique de leur responsabilité dans la crise climatique. Reclaim Finance appelle en particulier tous les investisseurs de TotalEnergies, parmi lesquels son principal investisseur Amundi, à cesser de soutenir sa stratégie climaticide et à faire obstruction à ses nouveaux projets pétroliers et gaziers.