Communiqué de presse

Paris, le 19 avril 2022 – Ce matin, l’institution de retraite complémentaire publique Ircantec a annoncé avoir désinvesti de 12 entreprises actives dans les énergies fossiles, dont TotalEnergies (1). La décision clôt plusieurs années de dialogue actionnarial visant à pousser ces entreprises à répondre à l’urgence climatique et découle directement de l’ultimatum posé en octobre 2021 à ces groupes : sortir des pétrole et gaz non conventionnels ou être exclus des portefeuilles. L’extrême cohérence dont fait preuve l’Ircantec contraste fortement avec l’inaction de la majorité des acteurs financiers qui refusent d’exclure les développeurs de projets fossiles tout en échouant à les pousser à en faire davantage sur le climat. En effet, si deux résolutions climatiques ont été déposées par des actionnaires la semaine dernière en vue de l’AG de TotalEnergies (2), les grands noms de la Place de Paris semblent manquer dans la liste des signataires.

La décision de la caisse de retraite complémentaire de agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (2,9 millions de cotisants, 14 milliards d’euros d’actifs sous gestion) découle de l’application de sa politique climat adoptée en octobre 2021 (3). Celle-ci annonçait l’exclusion des entreprises très actives dans le secteur des énergies fossiles non conventionnelles ou qui s’y développent, à l’exception de celles ayant adopté un plan visant à en sortir d’ici 2030. 

L’Ircantec a expliqué « Nous ne voulions pas les exclure de façon dogmatique. Nous leur avons donné six mois pour qu’ils respectent notre nouveau cadre d’investissement. Ils n’ont pas réussi à le faire. Ils s’excluent eux-mêmes » (4). L’Ircantec prouve ainsi que le dialogue avec les entreprises, pour être sérieux et exigeant, doit aller de pair avec une logique d’exclusion. Membre pendant cinq ans du comité de pilotage de la principale coalition d’investisseurs active dans le domaine de l’engagement, Climate Action 100+, l’Ircantec avait déjà voté contre le premier plan “climat” soumis par TotalEnergies au vote consultatif de ses actionnaires en 2021 (5). 

Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, déclare : « Alors que TotalEnergies s’enfonce dans le greenwashing en cherchant à obtenir la validation par ses actionnaires d’un pseudo plan climat à la fois lacunaire et incompatible avec l’urgence climatique, l’Ircantec prend acte du refus du pétrolier à renoncer à la partie la plus problématique de ses plans de développement. Si seulement les autres investisseurs agissaient avec autant d’intégrité, liant le geste à la parole en matière climatique, nous cesserions de gâcher les précieuses années qui nous restent avant que la fenêtre d’opportunité pour limiter le réchauffement à 1,5°C se ferme une bonne fois pour toute ». 

Deux groupes d’investisseurs ont déposé des résolutions climatiques afin de les soumettre au vote des actionnaires de la major pétrolière lors de son assemblée générale (AG) du 25 mai 2022 (6). Ces deux initiatives soulignent les insuffisances et failles inhérentes au plan “climat” présenté pour la seconde année consécutive à l’approbation des actionnaires de TotalEnergies (7). 

Malgré des critiques croissantes à l’égard de TotalEnergies (8), très peu d’investisseurs décident comme l’Ircantec de désinvestir de TotalEnergies ou même de jouer un rôle actif d’actionnaires engagés. Amundi, AXA et BNP Paribas AM, qui ont apporté leur soutien au plan climat défaillant de TotalEnergies l’an dernier, sont de nouveau absents des résolutions (9). Plus préoccupant, des investisseurs comme Crédit Mutuel ou La Banque Postale AM, en apparence plus progressistes et qui avaient participé au dépôt d’une première résolution climatique chez TotalEnergies en 2020, ne semblent signataires d’aucune résolution cette année. 

“Reclaim Finance alertait déjà en octobre dernier sur la ligne de fracture qui se dessinait au sein de la place financière de Paris. Nous avons d’un côté des acteurs déterminés à tenir leurs engagements climatiques, quand bien même cela implique de durcir le dialogue et finalement d’exclure les entreprises climaticides. De l’autre se trouvent les beaux parleurs et les hypocrites. Espérons que le Crédit Mutuel et La Banque Postale AM qui ont fait de grandes promesses en 2021 (9) ne sont pas en train de rejoindre le camp des jusqu’au-boutistes déterminés à défendre TotalEnergies quoi qu’il en coûte pour la planète” conclut Lucie Pinson.

Notes :

  1. Voire le communiqué de presse de l’Ircantec.
  2. Voir le communiqué des investisseurs.
  3. Voir la politique adoptée par Ircantec en 2020 et la réaction de Reclaim Finance. A noter que l’Ircantec publie également de manière transparente son exposition aux différents émetteurs.
  4. L’annonce de l’Ircantec a été couverte par Instit Invest.
  5. Voir le communiqué de presse en mai 2021 de Reclaim Finance. L’Ircantec co-dirige également le dialogue entre les investisseurs et ENGIE dans le cadre de CA100+.
  6. Voire le communiqué de presse de Reclaim Finance.
  7. En mars, Reclaim Finance a publié une étude intitulée Major Failure qui démontre que toutes les major pétro-gazières européennes – comprenant TotalEnergies mais aussi ENI et Repsol également désinvesties par l’Ircantec – auront consommé l’intégralité de leur budget carbone bien avant 2040. En avril, le CA100+ a révélé dans son évaluation des plans de transition de ses entreprises qu’aucune de ses entreprises n’a aligné ses dépenses d’investissements (capex) avec un objectif 1,5°C, et que TotalEnergies ne valide que trois des 9 indicateurs retenus (voir la réaction de Reclaim Finance). 
  8. Alors qu’aucun nouveau projet de production d’hydrocarbures n’a sa place dans le scénario Net-Zero de l’Agence international de l’Energie, TotalEnergies développe actuellement un des projets de pétrole des plus controversés, EACOP et Tilenga en Afrique de l’Est. Ce projet explique en partie la montée de critiques croissantes à son égard. Cela est également expliquable à l’aune de son refus de partir de Russie, implication dans d’autres conflits (Yemen, Mozambique), des poursuites juridiques pour marketing climatique trompeur, des accusations de dissimulation de la nocivité de ses activités sur le climat dès 1971 et encore dernièrement de la raffinerie de la Mède. 
  9. Quand bien même la résolution portée par les investisseurs français est aligné avec les positions présentées dans une tribune signée par une trentaine d’investisseurs dont Amundi. 
  10. La Banque Postale s’est engagé en octobre 2021 à sortir des hydrocarbures d’ici 2030 et Philippe Heim, directeur général du groupe annonçait lors du Climate Finance Day son engagement à travailler à une application de la mesure à ses filiales la Banque Postale AM et CNP Assurances. Si la deuxième a bien annoncé qu’elle n’investira plus dans les entreprises qui développent de nouveaux projets d’hydrocarbures, la Banque Postale AM figure parmi les acteurs financiers français sans aucune politique pétrole et gaz – faisant moins bien que tous les autres grands groupes. Quant au Crédit Mutuel, il annonçait en février 2021 vouloir ne plus soutenir les entreprises, qui comme TotalEnergies, sont très exposées aux pétrole et gaz non conventionnels ou sont actives dans l’exploration de gaz non conventionnel ou de pétrole. Cela n’empêchait pas le groupe de s’abstenir sur le vote du plan climat de TotalEnergies en 2021. L’Alliance fédérale a ensuite annoncé en octobre 2021 vouloir « dialoguer avec les entreprises de [son] portefeuille afin de les convaincre de renoncer à développer de nouveaux champs pétroliers et gaziers après une échéance courte, sous peine d’être exclues de futurs soutiens » et préciser ses engagements après la publication de la Global Oil & Gas Exit List. Celle-ci est parue en novembre dernier mais aucune communication n’a été faite par le groupe.

Contact presse :

  • Lucie Pinson, Directrice, lucie@reclaimfinance.org, +33679543715 
  • Guillaume Pottier, Chargé de campagne Engagement, guillaume@reclaimfinance.org, +33750890549