À l’assemblée générale 2025 de TotalEnergies, en dépit des reculs annoncés en matière climatique, les actionnaires ont persisté à soutenir la stratégie d’expansion fossile de ses dirigeants. Hormis quelques actionnaires qui ressortent de notre analyse, la quasi-totalité des actionnaires ont validé leur rémunération et la réélection de la seule administratrice sortante ainsi que les comptes financiers et le versement des dividendes. Reclaim Finance appelle ces actionnaires de TotalEnergies à changer radicalement d’approche, en sanctionnant la stratégie climaticide de l’entreprise par des votes d’opposition aux résolutions proposées par la direction.
L’analyse de Reclaim Finance des votes des dix principaux actionnaires mondiaux, européens et français en 2025 révèle leur irresponsabilité climatique. Ces actionnaires confirment leur soutien massif déjà accordé en 2024 à la stratégie du conseil d’administration de TotalEnergies, qui avait pourtant réduit les opportunités d’expression de ses actionnaires en cessant d’organiser un vote d’approbation de son plan climatique (vote dit Say on Climate). Un soutien qui encourage TotalEnergies dans sa stratégie, comme l’illustre le récent lobbying politique de son PDG Patrick Pouyanné contre le devoir de vigilance européen (1).
Une stratégie de plus en plus climaticide qui acte l’échec du dialogue actionnarial
Les préconisations fondées sur la science sont claires et sans appel : le GIEC ainsi que la communauté scientifique rappellent que toute nouvelle infrastructure d’énergies fossiles compromet le respect du budget carbone d’une trajectoire 1,5°C (2). Et le scénario Net-Zero en 2050 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) projette une trajectoire 1,5°C sans nouveaux champs et terminaux pétro-gaziers et de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (3).
En contradiction totale avec ces constats scientifiques, TotalEnergies était à nouveau en 2024 le 6ème plus grand développeur de champs pétro-gaziers dans le monde (4) et sa stratégie climaticide assumée ne s’améliore pas. TotalEnergies a récemment annoncé une baisse de ses prévisions d’investissements dans ses activités « bas carbone » et une hausse de la part de ses investissements aux nouveaux projets pétroliers et gaziers en 2030 (5). Et ceci, alors même que l’an passé, TotalEnergies avait augmenté sa production prévue de pétrole et de gaz (6).
Pourtant, les dirigeants ont choisi de ne pas laisser les actionnaires s’exprimer sur sa stratégie climatique, alors même qu’un nombre record de 20% s’y étaient opposé en 2024. En l’absence de Say on Climate, et après des décennies d’engagement infructueux y compris dans le cadre de l’initiative d‘engagement collaboratif Climate Action 100+, la seule position responsable aurait été de prendre des mesures d’escalade en votant contre les résolutions stratégiques proposées par la direction.
Une approbation quasi-unanime de la direction
Mais dans les faits, la grande majorité des actionnaires continuent à valider la stratégie proposée par la direction, en votant pour la réélection des administrateurs sortants et la rémunération du Président-Directeur Général (7). Aucun des actionnaires dans le top 10 mondial ne s’oppose à ces résolutions clés. Parmi les plus gros actionnaires français et européens, seuls Union Investment, DEKA et Ofi Invest AM votent contre la ré-élection de Lise Croteau, pourtant responsable de la stratégie menée par l’entreprise. Et seuls strum AM, La Banque Postale AM et Ofi Invest AM votent contre la rémunération du PDG.
Bien que ces votes n’aient pas été systématiquement justifiés par des raisons climatiques, ces actionnaires qui s’opposent à des résolutions stratégiques s’étaient déjà démarqués en votant contre ou en s’abstenant lors du vote sur le Say on Climate en 2024. Cette opposition suit l’approche préconisée par la recherche académique sur les leviers d’impact des investisseurs (8). Ces votes proposés par la direction ont un effet contraignant pour les entreprises, contrairement à un vote Say on Climate, et envoient le message que le climat doit être une priorité non-négociable.
À l’inverse, les votes de certains actionnaires en 2025 sont en incohérence avec ceux de 2024 : DWS, Dimensional Fund Advisors et UBS AM ont voté en 2024 contre le plan climatique de TotalEnergies, en cohérence avec les recommandations fondées sur la science. Pourtant, en 2025, ces mêmes actionnaires approuvent toutes les résolutions. Au total, les actionnaires de TotalEnergies votent en moyenne pour l’ensemble des résolutions proposées par la direction à 94,8% (9), exprimant ainsi un soutien fort à la stratégie actuelle de l’entreprise.
Quand la course à la rentabilité ignore les risques climatiques
À travers leurs votes, les actionnaires de TotalEnergies adoptent une logique court-termiste privilégiant les revenus financiers à court terme aux investissements nécessaires à la transition. La quasi-totalité des actionnaires ont ainsi approuvé l’allocation des dividendes et les rachats d’actions (10), alors que l’entreprise pourrait utiliser ses profits pour investir dans les énergies soutenables. Parmi les actionnaires principaux, seul Union Investment affiche un vote défavorable aux rachats d’actions proposés par l’entreprise. Pour rappel, en 2024, pour chaque dollar investi dans ses activités de production d’électricité, qui incluent également des activités gazières, TotalEnergies a attribué 4 dollars aux actionnaires.
Par ailleurs, alors que les comptes financiers de TotalEnergies ne prennent pas correctement en compte les risques liés au climat (11), la grande majorité des actionnaires les ont approuvés à l’assemblée générale. Parmi les grands actionnaires de l’entreprise dans le monde, en Europe et en France, seul La Française – Crédit Mutuel AM refuse d’approuver ces comptes financiers qui ignorent en partie les risques climatiques pour les actionnaires.
La détérioration d’une stratégie déjà loin des recommandations scientifiques et le refus catégorique de consulter les actionnaires sur sa stratégie climatique confirment que ces derniers doivent prendre des mesures plus fermes. Il est urgent d’actionner plus de leviers, comme voter contre les résolutions stratégiques portées par la direction et arrêter les nouveaux investissements dans TotalEnergies, en priorité l’achat d’obligations.
Votes des principaux actionnaires de TotalEnergies à l’assemblée générale 2025
| Réélection de l’administratrice Lise Croteau | Rémunération du PDG Patrick Pouyanné (2024 et 2025) | Consolidated Financial Statements | |
|---|---|---|---|
| Pour | Allianz GI, Amundi, AXA IM, BlackRock, BNP Paribas AM, Capital Group, Dimensional Fund Advisors, DNCA Finance, DWS, Fidelity International, Fidelity Investments, Goldman Sachs AM, HSBC AM, Janus Henderson, La Banque Postale AM, La Française – Crédit Mutuel AM, NBIM, Ostrum AM, T Rowe Price, UBS AM, Vanguard | Allianz GI, Amundi, AXA IM, BlackRock, BNP Paribas AM, Capital Group, DEKA, Dimensional Fund Advisors, DNCA Finance, DWS, Fidelity International, Fidelity Investments, Goldman Sachs AM, HSBC AM, Janus Henderson, La Banque Postale AM (1 résolution sur 2), La Française – Crédit Mutuel AM, NBIM, Ofi Invest AM (1 résolution sur 2), T Rowe Price, UBS AM, Union Investment, Vanguard | Allianz GI, Amundi, AXA IM, BlackRock, BNP Paribas AM, Capital Group, DEKA, Dimensional Fund Advisors, DNCA Finance, DWS, Fidelity International, Fidelity Investments, Goldman Sachs AM, HSBC AM, Janus Henderson, La Banque Postale AM, NBIM, Ofi Invest AM, Ostrum AM, T Rowe Price, UBS AM, Union Investment, Vanguard |
| Contre | DEKA, Ofi Invest AM, Union Investment | La Banque Postale AM (1 résolution sur 2), Ofi Invest AM (1 résolution sur 2), Ostrum AM (2 résolutions sur 2) | La Française – Crédit Mutuel AM |
| Absence de publication | AG2R La Mondiale Gestion (publication prévue pour 2026), Capfi Delen AM (publication prévue pour 2026), Moneta AM, Varennes Capital Partners | ||