Calcasieu Pass LNG : pourquoi la politique climat d’AXA est insuffisante ?

En septembre 2025, Reclaim Finance envoyait une lettre à AXA lui demandant de ne pas renouveler son contrat d’assurance avec le terminal d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) controversé Calcasieu Pass LNG dans le sud-ouest de la Louisiane, aux Etats-Unis. Malgré ses impacts sur la santé, l’économie locale et le climat, couvrir cette infrastructure fossile n’est pas contraire aux engagements climatiques du groupe, révélant la faiblesse de ses promesses sociétales. Si AXA a déjà été épinglé à de nombreuses reprises dans la couverture de terminaux de GNL, Calcasieu Pass LNG illustre à lui tout seul l’incohérence du groupe AXA, refusant d’assurer le gaz de schiste américain, mais acceptant encore de couvrir les terminaux d’exportation de GNL alimentés par ce même gaz.

Si AXA a pris des engagements pour réduire son soutien à certaines entreprises particulièrement actives dans l’extraction de pétrole et gaz non-conventionnels comme le gaz de schiste (1), ses engagements restent compatibles avec l’assurance de certaines des plus grandes infrastructures de GNL au monde comme Calcasieu Pass LNG.

Calcasieu Pass LNG, méga projet, méga impacts

Situé en Louisiane à quelques kilomètres de très nombreux autres terminaux d’exportation de GNL dans une zone déjà sacrifiée par l’industrie fossile, Calcasieu Pass LNG (ou CP) exporte près de 10 millions de tonnes par an (mtpa) de GNL (2) et aura coûté près de 10 milliards de dollars (3) à son propriétaire, la société Venture Global.

L’entreprise ne souhaite pas s’arrêter là et prévoit de dépenser près de 50 milliards de dollars supplémentaires pour son projet d’agrandissement du terminal – CP2 – à travers deux phases d’extension dont une déjà lancée (4). Ces plans d’expansion pourraient faire bondir la capacité de liquéfaction du terminal à près de 30 mtpa, faisant de Calcasieu Pass LNG l’un des plus gros terminaux d’exportation de GNL des Etats-Unis, aux côtés d’un autre terminal de GNL déjà assuré par AXA, Freeport LNG. 

Les impacts du terminal au niveau local sont nombreux. Venture Global a pratiqué le torchage de routine sur les 84 des 90 premiers jours d’opération du terminal (5), provoquant l’émission de nombreux polluants dans l’air. Rien que pour l’année 2022, près de 140 violations de la réglementation sur la qualité de l’air et près de 50 incidents liés à des rejets de polluants atmosphériques dangereux et/ou toxiques ont été recensés à Calcasieu Pass LNG (6). 

En août 2025, un incident lié au pompage de sédiments (dragage) du fond du lac Calcasieu pour la construction de la première phase de CP2 a engendré le rejet de larges quantités de boues et de limon. Relayé par les médias locaux (7), cet événement a eu un effet direct sur les pêcheurs, les privant du début de leur saison et de leur seul moyen de subsistance. 

Reclaim Finance, en solidarité avec les communautés de pêcheurs affectées, a appelé AXA à cesser de couvrir Calcasieu Pass LNG à travers une lettre adressée en septembre dernier à son équipe durabilité, lettre restée sans réponse. Malgré ces nombreuses alertes, AXA ferme les yeux sur les activités à risques de Venture Global en Louisiane, assurant encore le terminal de Calcasieu Pass LNG.

Le développement des terminaux de GNL, une menace climatique mondiale

Le cas de Calcasieu Pass LNG est loin d’être isolé. Plus 60 nouveaux terminaux d’exportation de GNL pourraient voir le jour d’ici à 2030, mettant en péril l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050. D’après l’analyse de Reclaim Finance, ces nouvelles infrastructures gazières pourraient émettre jusqu’à 10 Gt de CO2e dont 150 Mt de méthane. 

Les très nombreuses fuites de méthane sur la chaîne de production du GNL rendent les plans d’expansion du secteur incompatibles avec l’objectif de neutralité carbone à 2050 : selon l’Agence internationale de l’énergie, pour atteindre cet objectif, les émissions de méthane issues des opérations du secteur fossile (charbon, pétrole et gaz) doivent diminuer de 75 % d’ici 4 ans (2030) par rapport aux niveaux actuels (8).

Des risques encore plus grands avec le GNL américain

Rien qu’au Etats-Unis, plus de 10 nouveaux terminaux d’exportation ou extension de terminaux existants sont déjà prévus (9). Une croissance du GNL d’autant plus problématique que la production de gaz dont les terminaux d’exportation de GNL dépendent provient à 78 % de formations de schiste (gaz de schiste) (10).

Pour extraire ce gaz, les compagnies pétro-gazières recourent à la fracturation hydraulique, méthode d’extraction non-conventionnelle particulièrement dangereuse et polluante s’accompagnant d’une augmentation des risques de tremblement de terre (11), de fuites de méthane importantes (12), d’une utilisation excessive d’eau et d’un risque de contamination de sources d’eau potables (13). Si dangereuse pour les populations en première ligne et le climat que cette technique d’extraction est notamment interdite en France depuis 2013 (14).

AXA, non au gaz de schiste, oui au GNL

Pour toutes les raisons évoquées jusque là, AXA s’est engagé, dès 2021, à réduire la couverture d’assurance de projets de pétrole et gaz de schiste pour ses clients les plus exposés à cette même source d’énergie non-conventionnelle (clients dont plus de 30 % de leur production de pétrole et gaz est réalisée à partir de pétrole et gaz de schiste).

En août 2025, d’après Mike Sabel (15), CEO de la société Venture Global, les infrastructures du terminal lui permettent de “prendre d’énormes volumes de gaz du bassin Permien”, deuxième zone la plus productrice de gaz de schiste aux Etats-Unis (16). Des propos mettant un terme à toute incertitude sur la provenance du gaz alimentant son terminal d’exportation Calcasieu Pass LNG.

La traçabilité du gaz de schiste d’une zone à un terminal de GNL est rendue particulièrement difficile du fait de l’enchevêtrement des pipelines dans certains États américains comme le Texas et ses 760 000 km de pipelines (17). Une excuse permettant notamment à AXA de continuer à assurer des terminaux d’exportations de GNL tout en refusant d’assurer la production de gaz de schiste alors que ces deux parties de la chaîne de valeur sont étroitement liées.

Malgré ses promesses sociétales (18), sa politique sur le gaz de schiste et les nombreux impacts délétères de l’industrie du GNL à l’échelle locale et globale, AXA ferme les yeux sur les liens étroits entre la production de gaz de schiste et celle du GNL. L’assureur français met en jeu sa réputation en s’autorisant encore à couvrir Calcasieu Pass LNG ainsi que de nouveaux terminaux d’exportation de GNL.

Les alertes répétées, la longue liste des impacts sociaux, sanitaires et environnementaux de Calcasieu Pass LNG mêlées à la preuve tangible de son approvisionnement en gaz de schiste doivent suffire à convaincre AXA de ne pas renouveler sa couverture du terminal arrivant à échéance en mars 2026. Reclaim Finance appelle plus largement le groupe AXA à ne plus couvrir tout nouveau terminal d’exportation de GNL, une mesure en ligne avec l’ambition climatique dont se targue l’assureur français.

Notes :

  1. AXA, AXA Group Energy Policy Focus on the Oil and Gas industry, 2021
  2. Global Energy Monitor, Calcasieu Pass LNG, 2025
  3. Reuters, Venture Global LNG’s second plant running over budget, document shows, 2024
  4. Global Energy Monitor, CP2 LNG Terminal, 2025
  5. Gas Outlook, Louisiana LNG terminals spread pollution on local districts, 2023
  6. Department of Environmental Quality State of Louisiana, Consolidated compliance order & notice of potential penalty enforcement tracking, 2023
  7. KPLC, Dredging accident in Cameron Parish leaves fishermen angry and with questions, 2025
  8. AIE, World Energy Outlook 2024, 2024
  9. AIE, Global LNG Tracker, 2025
  10. U.S Energy Information Administration (EIA), How much shale gas is produced in the United States?, 2024
  11. Aux Etats-Unis, depuis l’essor de la fracturation, les régions concentrant cette pratique ont connu une multiplication par 14 du nombre annuel de tremblements de terre de magnitude supérieure à 3
  12. Carbon Brief, Why measuring fugitive methane emissions from shale gas production matters, 2014
  13. Environmental Protection Agency (EPA), Hydraulic Fracturing for Oil and Gas: Impacts from the Hydraulic Fracturing Water Cycle on Drinking Water Resources in the United States, 2016
  14. Le Monde, Gaz de schiste : la fracturation hydraulique restera interdite, 2013
  15. Investing, Earnings call transcript: Venture Global’s Q2 2025 results show strong growth  Transcripts, 2025
  16. Chevron, explainer: what is the permian basin?, 2023
  17. Railroad Commission of Texas (RRC), Texas Pipeline System Mileage, 2025
  18. La raison d’être du groupe AXA vise notamment à “agir pour le progrès humain en protégeant ce qui compte

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2025-11-20T12:20:15+01:00