45 ONG et think-tanks dont Reclaim Finance viennent d’envoyer une lettre ouverte à la Présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, en amont de la réunion du 30 avril. Dans cette lettre, Ils rappellent l’importance de maintenir les travaux, via la révision du cadre stratégique et opérationnel de la BCE, pour l’intégration d’objectifs climatiques dans les activités de la première banque européenne. Plus précisément, ils appellent la BCE à suivre 5 règles clés dans les mesures de court et long terme afin de lier les réponses économiques à la crise à la construction d’une économie résiliente, plus juste et soutenable.

Reclaim Finance souligne qu’une telle orientation nécessite impérativement l’exclusion des actifs liés aux énergies fossiles des programmes de rachat d’actif et de la politique de refinancement de la BCE.

Le 30 avril, les gouverneurs de la BCE se réunissent pour discuter de la politique monétaire à tenir dans le contexte de crise actuelle. Dans une lettre ouverte [1], 45 ONG et think-tanks appellent Christine Lagarde à ne pas évacuer la question climatiques des réponses apportées au coronavirus.

“La réponse de la BCE ne peut pas timorée face à l’ampleur des impacts sociaux et économiques du coronavirus. Mais financer massivement de manière indiscriminée et aider sans condition des secteurs qui entravent la transition vers des sociétés soutenables et résilientes est irresponsable. Ne pas changer les règles des politiques de la BCE comme le QE, c’est opter pour un statu quo qui pollue et mine la solidarité européenne. Comment expliquer aux citoyens européens que la BCE aide via son QE une entreprise comme Fortum [2] dont la filiale Uniper construit une centrale à charbon en Allemagne et menace de poursuivre les Pays-Bas pour contrer sa décision démocratique de sortir du charbon d’ici 2030 ?” commente Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.

De nombreuses analyses, dont celles de Reclaim Finance, ont aujourd’hui démontré que les outils de politique monétaire et prudentielle de la BCE contribuent à renforcer les dérèglements climatiques. La faute au principe de neutralité du marché qui guide les mesures de rachats d’actifs [3], de refinancement des banques [4] et à l’absence de stress tests climatiques au sein des banques [5].

Ces problèmes sont renforcés avec les milliards d’euros débloqués par la BCE afin de répondre aux impacts du coronavirus [6].


Les organisations signataires de la lettre appellent la BCE à rompre avec cette logique et à poursuivre le processus de révision stratégique afin au contraire d’intégrer les risques et impacts climatiques aux politiques de la BCE. Ils identifient 5 règles clés à suivre en faveur de l’intégration des risques et impacts climatiques dans les pratiques de la BCE.

Paul Schreiber, en charge de la campagne pour la régulation des acteurs financiers à Reclaim Finance explique : “Christine Lagarde doit être visionnaire et se rappeler ses engagements pro-climat de 2019 afin d’adapter les politiques monétaires et prudentielles de la BCE aux urgences sociales et climatiques. En 2019, elle prenait position pour l’élimination progressive des titres financiers des entreprises polluantes du bilan de la BCE et pour le verdissement de la politique prudentielle. On n’attend rien de moins aujourd’hui: abandonner les objectifs climatiques européens serait acter l’apparition de nouvelles crises similaires à celle traversée aujourd’hui. Les entreprises les plus polluantes, à commencer par celles du charbon et de l’aérien, doivent être immédiatement exclues des politiques de la BCE.”


Lundi 27 avril 2020 – Communiqué de presse

Contact presse : Paul Schreiber / paul@reclaimfinance.org / +33 6 89 02 07 88

[1] La lettre est disponible ici.

[2] La liste des titres achetés via le programme de rachat d’actifs d’entreprises (CSPP) contient plusieurs entreprises contribuant à la production d’énergie par combustion du charbon, dont Fortum, Enel, Engie, EnBW. Elle contient aussi de nombreuses entreprises du secteur des énergies fossiles comme Total, Royal Dutch Schell ou Eni. Il est impératif d’exclure rapidement de la liste des titres éligibles à ces opérations les entreprises qui n’adoptent pas un plan de sortie du charbon, dès 2030 en Europe et au sein de l’OCDE et dès 2040 partout dans le monde, ne s’engage pas à arrêter les activités liées au pétrole et gaz non conventionnel et au développement de nouvelles installations et n’adoptent pas une stratégie cohérente d’alignement sur la trajectoire 1.5°C.

[3] La politique de rachats d’actifs (ou quantitative easing) de la BCE finance de nombreuses entreprises très polluantes, dont celles du secteur des énergies fossiles.

[4] La politique de refinancement, qui permet aux banques de se financer auprès des banques centrales en déposant des actifs sans aucun critère environnemental, de la BCE contribue à la valorisation des actifs liés aux énergies fossiles et permet aux banques d’obtenir des liquidités contre des actifs très polluants.

[5] Avec une réglementation prudentielle – notamment des obligations de fonds propres – qui n’intègre pas le caractère risqué des actifs polluants, la BCE met au même niveau actifs « verts » et « bruns » et accroît les risques financiers pesant sur l’ensemble du système.

[6] les rachats d’actifs s’élèvent désormais à 1100 milliards pour 2020 et plus de 3000 milliards de liquidité vont être libérés en un an grâce à une politique de refinancement plus avantageuse pour les banques et l’acceptation d’actifs plus risqués.