La taxonomie européenne en cours d’élaboration est un outil qui permettra de classer les secteurs d’activité en fonction de leur caractère durable, avec pour objectif d’aider à orienter les flux financiers vers les secteurs qui aident à la transition écologique. Alors que le nucléaire en avait été préalablement exclue, un intense lobbying pourrait conduire à sa réintégration. Pourtant, cette énergie s’oppose à plusieurs des objectifs durables de la taxonomie.

Est considérée durable au sein de la taxonomie une activité qui contribue significativement à l’un des six objectifs environnementaux fixés, sans nuire significativement à aucun autre. Ces six critères sont l’atténuation du changement climatique ; l’adaptation ; la protection de l’eau et des ressources marines ; la transition vers une économie circulaire ; la prévention et le contrôle des pollutions ; et la protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

En vertu de cette définition, le nucléaire ne peut pas être considéré comme une activité durable.

  • En effet, il n’y a pas de solution durable pour les déchets nucléaires. On ne sait pas les recycler et le stockage de déchets qui peuvent être radioactifs pendant des centaines de milliers d’années pose de nombreux problèmes. La reconversion des installations – les centrales en particulier – n’est pas non plus prise en charge de manière satisfaisante.
  • Le nucléaire fonctionne grâce à un combustible, l’uranium, dont l’exploitation est extrêmement polluante. Son utilisation nécessite de très grandes quantités d’eau pour son système de refroidissement, ce qui jette un doute sur sa pertinence dans un monde qui se réchauffe.

Les objectifs de contrôle des pollutions, d’économie circulaire ou de protection de la biodiversité ne sont donc pas remplis.

De plus, s’il s’agit effectivement d’une énergie bas carbone – même si elle n’est pas totalement décarbonée – des études récentes, dont une étude comparative sur 123 pays et 25 ans, publiée dans Nature, montrent que des systèmes énergétiques qui fonctionnent massivement à base de nucléaire ont tendance à ralentir ou bloquer le déploiement des énergies renouvelables et ne pas permettre de réduction significative des émissions, contrairement aux énergies renouvelables.

Les premiers experts qui ont travaillé sur la taxonomie européenne ne se sont pas prononcés sur le nucléaire, faute de pouvoir assurer la durabilité de la gestion de ses déchets. Ils l’ont donc logiquement sorti du classement, au nom du principe de précaution.

Un intense lobbying a depuis été mis en œuvre pour que le nucléaire soit réintégré dans les activités durables. La commission européenne a demandé un rapport spécifique sur cette question, qui sera soumis à l’avis de deux autres groupes de travail. Nous sommes loin d’être au bout du processus.

Quoi qu’il en soit, contrairement à ce qu’affirment certains, la taxonomie n’est qu’un outil de transparence, une sorte de catalogue qui permettra aux acteurs financiers de justifier de leurs investissements dans la transition écologique sur une base objective. Elle n’empêchera pas en elle-même le financement du nucléaire qui relève d’ailleurs largement de fonds publics. Cette décision restera du ressort des États. La France pourra décider de poursuivre – ou de stopper – le financement du nucléaire, avec ou sans la taxonomie.