À premiere vue, l’engagement d’Engie à sortir du charbon en Europe d’ici 2025 et dans le monde d’ici 2027 est impressionant. Mais en réalité, cette nouvelle, publiée à l’occasion de la présentation de ses résultats financiers 2020, est une non-annonce, qui évite soigneusement de répondre à la véritable question de l’avenir des actifs de l’énergéticien français. Engie compte vendre ou convertir ses actifs vers la biomasse our le gaz, au lieu d’assurer la fermeture de ses centrales à charbon.

Engie exploite encore actuellement 10 centrales à charbon réparties entre le Portugal, le Maroc, le Chili, le Brésil et le Pérou, pour un total de 4 GW. La science climatique est unanime sur la nécessité de programmer la fermeture de l’ensemble des actifs charbons existants et de décarboner le secteur énergétique dans les plus brefs délais. Bien que les dates de sortie du charbon annoncées par Engie soient cohérentes avec la science, le bilan pour le climat pourrait ne pas être positif.

Des mauvaises propositions de conversion

En effet, si certains actifs pourraient être fermés, Engie envisage aussi la vente et surtout la conversion des actifs. Or, interviewée sur France Inter en décembre dernier, Claire Waysand, directrice générale par intérim et secrétaire générale du groupe Engie, mentionnait deux options de conversion : la biomasse ou le gaz (2), et non les renouvelables durables comme le solaire qui pourrait pourtant être une solution pour les centrales au Chili et au Brésil.

Mais convertir des centrales au charbon au gaz ou à la biomasse revient à faire une saignée à un malade. La biomasse a un impact sur le climat encore plus mauvais que le charbon et couper des forêts n’est pas une riche idée alors que la biodiversité disparaît à une vitesse sans précédent (3). Quant au gaz, faut-il rappeler que c’est une énergie fossile et qu’il pourrait s’agir pour les centrales au Chili et au Brésil de gaz de schiste importé des Etats-Unis ou d’Argentine ? Les actionnaires d’Engie doivent réagir au plus vite pour empêcher l’entreprise de s’enfoncer un peu plus dans des fausses solutions et les exposer au risque de stranded assets.

Fausses promesses sur les émissions

Engie a déjà fait savoir qu’il souhaitait convertir au gaz sa centrale à charbon, pourtant à l’arrêt en Italie (4). Cela souligne qu’Engie pourrait ne pas hésiter à convertir sa centrale au Portugal également au gaz, alors que l’Union Européenne se doit d’être exemplaire en matière climatique.

Engie a aussi fait savoir qu’il pourrait vendre certaines centrales. Si cela lui permettrait de décarboner son portefeuille, cela n’entraînerait pas de réelles réductions des émissions de CO2e dans le monde réel. Engie a déjà vendu 14 centrales au charbon représentant 54 % de sa capacité (11 356 MW) depuis la COP21.

Derrière cet effet d’annonce, Engie peine à cacher le manque d’ambition de sa stratégie de sortie du charbon. Après avoir bradé son parc de centrales à charbon en Asie et en Europe, elle laisse entendre qu’elle pourrait en faire de même pour ses 10 centrales restantes. Mais cette fausse solution serait un véritable désaveu de sa responsabilité sociale et environnementale : ce serait laisser le sort de ces actifs ultra-polluants et des salariés de ces sites entre les mains d’entreprises assez peu éthiques pour miser sur le charbon en 2021.

Enfin, Engie parle de la neutralité carbone dans sa stratégie, néanmoins pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un alignement sur 1,5° est nécessaire, mais la stratégie d’Engie repose actuellement sur un objectif de « 2°C » certifié par le SBTi, ce qui n’est clairement pas suffisant pour atteindre la neutralité carbone (4).

Reclaim Finance et les Amis de la Terre France exigent qu’Engie s’engage explicitement à assurer la fermeture de ses centrales à charbon et une transition juste pour tous les travailleurs partout dans le monde, et non à vendre ou convertir ses actifs vers d’autres énergies néfastes pour le climat.

Pour aller plus loin :

  1. Lire le communiqué de presse d’Engie.
  2. Lire le communique de presse de Reclaim Finance et Les Amis de la Terre France.
  3. Écouter l’interview de Claire Waysand sur France inter dans l’émission spéciale “Climat Chaud Devant”, minutage 00:39:00-00:45:00.
  4. Lire le blogpost “Financer la conversion du charbon en biomasse, est-ce une idée “verte” ?”, Reclaim Finance.
  5. Lire le rapport “Utilities beyond fossil fuels Evaluating the transition strategies of utility companies. Case study: ENGIE”, Ember