Paris, le 30 mars 2022 – Un groupe de 700 investisseurs représentant $68 000 Mds d’actifs, a publié hier son analyse des plans de transition climatique de 166 entreprises. Malgré des engagements de neutralité carbone à long-terme, moins de 10% des entreprises se fixent des objectifs appropriés à court-terme et aucune n’aligne ses dépenses d’investissement sur cet impératif. Ces résultats jettent le doute sur l’efficacité de “l’engagement actionnarial”. Reclaim Finance appelle les investisseurs à tirer les conséquences de leurs propres travaux dès les prochaines Assemblées Générales en votant contre les entreprises ne disposant pas d’une stratégie climat complète et crédible et en déposant des résolutions leur demandant de s’en doter.

L’analyse des investisseurs membres de l’initiative Climate Action 100+ (CA100+) montre qu’aucune entreprise ne dispose à ce jour d’un plan et d’engagements climatiques compatibles avec l’objectif de limiter le réchauffement à +1,5°C :

  • 69% des entreprises ambitionnent d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, mais seulement 42% d’entre-elles incluent l’ensemble de leurs émissions dans cet engagement, y compris celles liées au scope 3.
  • Seulement 7% des entreprises se sont fixé une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à court-terme (2025) compatibles avec l’objectif de 1,5°C. Quatre cinquième des entreprises ne dispose pas non plus d’un tel objectif à moyen-terme (2035).
  • Aucune entreprise n’a mis en cohérence ses dépenses d’investissement avec son engagement de neutralité carbone et seulement 17% d’entre elles disposent d’une stratégie précisant la manière dont elles comptent atteindre leurs cibles de réduction des GES.

L’analyse de CA100+ montre également l’absence de progrès significatifs dans le temps. Pour 7 des 9 critères analysés, la part des entreprises obtenant un score satisfaisant a crû de moins de 10 points de pourcentage entre 2021 et 2022. Les améliorations substantielles concernent les critères les moins ambitieux comme l’alignement de leur reporting sur le standard TCFD (1). A contrario, les entreprises ne progressent pas sur les enjeux les plus importants comme la baisse des émissions à court-terme et l’alignement des dépenses d’investissement.

Pour Guillaume Pottier, chargé de campagne Engagement chez Reclaim Finance : “Ces résultats battent en brèche le mythe des “entreprises en transition” que les investisseurs devraient encourager et accompagner face aux défis climatiques. 4 ans après le lancement de CA100+, les investisseurs ont pour l’instant globalement échoué à pousser les entreprises à agir concrètement sur le climat. Ils doivent d’urgence renouveler leurs méthodes, sanctionner l’absence de progrès dès les prochaines Assemblées Générales et prévoir de désinvestir des entreprises qui continuent à aggraver la crise climatique.”

L’absence de transition du secteur pétrolier et gazier est également manifeste. Aucune des 36 entreprises évaluées par les investisseurs n’a de plan d’investissement aligné sur le scénario 1,5°C et une seule d’entre elles est alignée sur le scénario « Below 2°C », moins rigoureux, de l’Agence internationale de l’énergie (4).

Le cas de TotalEnergies est représentatif de l’absence de transition du secteur. L’entreprise a dévoilé la semaine dernière le contenu de son plan climat, qui sera soumis au vote de ses actionnaires le 25 mai prochain. Pourtant, TotalEnergies satisfait seulement 3 des 9 critères examinés par CA100+ et son score se dégrade même par rapport à 2021 concernant l’alignement climatique de ses dépenses d’investissement. La major française ne dispose toujours pas de cibles suffisantes de baisse de ses émissions à court et moyen terme. Si TotalEnergies prévoit une cible de décarbonation de long terme jugée « adéquate » par les investisseurs, ses cibles de court et moyen terme sont insuffisantes pour permettre un réel alignement de l’entreprise avec une trajectoire 1,5°C. En effet, d’ici 2047, les surplus d’émissions de TotalEnergies vont continuer à s’accumuler – un facteur qui n’est pas pris en compte par le benchmark des investisseurs.

Les résultats des travaux de CA100+ ont des implications directes sur les prochaines Assemblées Générales, notamment sur les résolutions dites « Say on Climate » qui soumettent le plan climat des entreprises au vote des actionnaires. Alors que les investisseurs commencent à préciser leurs attentes sur le contenu de ces plans – comme l’a fait CNP Assurances ce matin (3) en demandant notamment des cibles de réduction des émissions à court-terme – l’analyse de CA100+ devra permettre d’informer et d’orienter les votes des investisseurs.

« Malgré ses récentes annonces, TotalEnergies est loin d’être aligné avec 1,5°C. Le vote des investisseurs sur son plan climat lors de la prochaine Assemblée Générale sera un test décisif pour la crédibilité de leur engagement climatique. L’année dernière, la plupart avaient donné leur blanc-seing à un plan incomplet et incompatible avec l’urgence climatique. Les investisseurs ne doivent pas se laisser berner à nouveau : l’analyse qu’ils ont produite montre clairement que le plan de TotalEnergies est défaillant, ils doivent donc voter contre ce plan », conclut Guillaume Pottier.

Pour aller plus loin :

Notes :

    1. Taskforce on Climate-related Financial Disclosures.
    2. Il s’agit de l’enterprise sud-africain Sasol.
    3. CNP Assurances renforce sa politique de vote en précisant ses critères d’examen des résolutions Say on Climate. A noter que CNP Assurances demande au entreprises des cibles de réduction absolues des émissions couvrant au moins 66% du scope 3 là où CA100+ considère que l’intégralité des émissions liées aux produits énergétiques vendus doivent être comptabilisées.

Contacts presse :

  • Guillaume Pottier, chargé de campagne Engagement, +33 7 50 89 05 49, guillaume@reclaimfinance.org