AG de TotalEnergies : Pourquoi ne faut-il pas réélire Patrick Pouyanné ?

Alors que l’assemblée générale de TotalEnergies se déroulera le 24 mai prochain, Reclaim Finance appelle ses actionnaires à voter contre la réélection du président-directeur général, Patrick Pouyanné, à la tête du conseil d’administration, pour s’opposer à la stratégie climaticide de l’entreprise. Malgré plusieurs années de dialogue actionnarial marquées notamment par des dépôts de résolutions climatiques, la direction de TotalEnergies ignore toujours les demandes des investisseurs engagés pour le climat, et poursuit sa stratégie d’expansion pétro-gazière. L’heure est venue pour les investisseurs de changer radicalement d’approche, en sanctionnant le principal dirigeant de l’entreprise et en tentant de bloquer le développement de nouveaux projets fossiles à travers le vote en assemblée générale.

Infomations clés

  • Le président-directeur généra Patrick Pouyanné est à l’initiative de la stratégie climaticide de TotalEnergies, qui continue de développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers à rebours des projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et des recommandations scientifiques pour limiter le réchauffement à 1,5°C.
  • Malgré la proactivité de certains actionnaires dans leur dialogue avec TotalEnergies sur les sujets climatiques, l’entreprise n’a toujours pas de stratégie climat alignée avec une trajectoire 1,5°C et a même revu à la baisse ses engagements, annonçant une hausse de sa production de pétrole annuelle de 2 à 3 % d’ici 2028.
  • Reclaim Finance appelle les actionnaires de l’entreprise à utiliser de nouveaux moyens d’action dans leur dialogue actionnarial comme l’opposition à certaines résolutions stratégiques de routine, telles que la réélection du président du conseil d’administration. Voter contre la réélection de Patrick Pouyanné aura un impact direct sur la stratégie globale de l’entreprise et permettra de sanctionner clairement l’obstination de la gouvernance dans une stratégie d’expansion fossile.

A l’assemblée générale 2024 de TotalEnergies, les actionnaires devront se prononcer sur le renouvellement du mandat d’administrateur de Patrick Pouyanné (résolution 6 à l’ordre du jour), à la tête de l’entreprise depuis 10 ans. Ce vote a lieu tous les trois ans, et en 2021, le dirigeant avait été reconduit avec 77 % de votes favorables.

Un président-directeur général à l’initiative d’une stratégie climaticide

A rebours des projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et des recommandations scientifiques pour limiter le réchauffement à 1,5°C, TotalEnergies continue de développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers. En 2023, l’entreprise était ainsi le sixième développeur pétro-gazier en termes d’exploration et de production dans le monde. Cette stratégie d’expansion fossile implique des décennies d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires, à l’heure où tous les efforts devraient être déployés pour éviter de nouvelles émissions. 

En choisissant de développer de nouveaux projets pétro-gaziers, TotalEnergies a moins de ressources financières à disposition pour investir dans les énergies soutenables. L’AIE prévoit que 50 % des investissements du secteur pétro-gazier devraient être consacrés à des projets « d’énergie propre » d’ici à 2030 pour s’aligner sur une trajectoire 1,5 °C [1]. Pourtant, dans son plan d’investissement à horizon 2028, TotalEnergies prévoit de n’investir que 33% de ses investissements dans sa division « électricité et nouvelles molécules », qui est sensée regrouper ses activités liées à la transition mais intègre des activités basées sur le gaz fossile. Par ailleurs, alors que l’entreprise pourrait utiliser ses profits records des dernières années pour financer les énergies soutenables, en 2023, pour chaque dollar investi dans sa division « électricité », TotalEnergies a distribué 3,4 dollars aux actionnaires. .  

En tant que directeur général de TotalEnergies depuis 2014 et président du conseil d’administration depuis 2015, Patrick Pouyanné est le chef d’orchestre de cette stratégie incompatible avec les préconisations scientifiques. 

Un dialogue actionnarial climatique entravé par une direction récalcitrante

Ces dernières années, un petit nombre d’investisseurs a pourtant été proactif dans son dialogue avec TotalEnergies sur les sujets climatiques, notamment via le dépôt de résolutions actionnariales. En 2023, une résolution coordonnée par Follow This, demandant un alignement de son plan climat avec l’accord de Paris, a obtenu ainsi 30,4% de votes favorables. Pour autant, la direction n’a fait aucune annonce significative depuis. Pire encore, seulement quatre mois plus tard, l’entreprise a revu à la baisse ses engagements, annonçant une hausse de la production annuelle de pétrole de 2 à 3% d’ici 2028 [2]. Ce retour en arrière illustre la forte résistance au changement de la gouvernance de l’entreprise et son manque de considération du dialogue actionnarial climatique. 

Face à ce constat, un groupe d’actionnaires coordonné par le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) et la Fondation Ethos a déposé en 2024 une résolution demandant la séparation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général, mettant en avant que cela « pourrait améliorer le dialogue avec le conseil d’administration sur les enjeux climatiques et de transition ». Mais le conseil d’administration a refusé d’inscrire cette résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale, comme il l’avait déjà fait pour une résolution climatique actionnariale en 2022. Fondées sur des arguments juridiques jugés par de nombreux experts comme irrecevables, ces décisions montrent à nouveau que la direction de TotalEnergies ne prend au sérieux ni l’engagement actionnarial, ni l’urgence climatique. 

Un vote clé pour le climat

Il est urgent que les investisseurs réagissent face au manque d’efficacité des pratiques d’engagement actuelles avec TotalEnergies et renforcent leur engagement à l’assemblée générale 2024. Reclaim Finance appelle les actionnaires de l’entreprise à aller au-delà des votes climatiques consultatifs et utiliser de nouveaux moyens d’action comme l’opposition à certaines résolutions stratégiques de routine, dont la plus emblématique est la réélection du président du conseil d’administration. En effet, voter contre la résolution Say on Climate sur la mise en œuvre de la stratégie climat de TotalEnergies est nécessaire, mais a un effet limité à cause de son caractère consultatif. A l’inverse, voter contre la réélection de Patrick Pouyanné a un impact direct sur la stratégie globale de l’entreprise, et permet de sanctionner clairement l’obstination de la gouvernance dans une stratégie d’expansion fossile. 

En mai 2024, un groupe d’investisseurs engagés a d’ailleurs envoyé un courrier public à plusieurs entreprises pétro-gazières, dont TotalEnergies, dans lequel ils s’engagent à voter contre certaines résolutions clés, dont la réélection des présidents du conseil d’administration de TotalEnergies, Shell et BP, pour des raisons climatiques [3]. Ces investisseurs montrent la voie d’un dialogue actionnarial crédible, et doivent être suivis par tous les autres.

A l’heure de l’urgence climatique, le dialogue actionnarial climatique doit cibler des actions ayant une forte capacité d’influence, et prévoir une escalade en cas d’absence de progrès. Devant l’immobilité de TotalEnergies, ses actionnaires doivent voter contre la réélection de Patrick Pouyanné afin de s’opposer sans ambiguïté à la poursuite de la stratégie climaticide de l’entreprise.

Notes :

  1. Agence internationale de l’énergie, The Oil and Gas Industry in Net Zero Transitions, Novembre 2023 
  2. TotalEnergies, Communiqué de presse, Strategy & Outlook Presentation 2023, Septembre 2023 
  3. Ofi Invest Asset Management, Communiqué de presse, Une coalition d’actionnaires alerte six grandes entreprises pétro-gazières sur les insuffisances de leurs stratégies climat, Mai 2024

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2024-05-17T10:40:46+02:00