En juin 2025, la MAIF a décidé de s’engager plus fermement encore dans l’arrêt de son soutien à l’expansion pétrolière et gazière en devenant le 3e assureur-vie à stopper ses nouveaux investissements dans des entreprises développant de nouveaux projets de transport et de stockage (midstream) de pétrole et de gaz, dont de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). D’ici fin 2025, l’assureur-vie vendra également les titres de ces mêmes entreprises déjà détenus en portefeuille, à l’exception d’ENGIE.
Lors de la publication de son dernier rapport investissement responsable en juin 2025, la MAIF a rendu public de nouveaux engagements : l’assureur-vie n’investira plus dans des entreprises “impliquées dans le développement de nouveaux oléoduc, gazoducs ou de capacités supplémentaires de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), qu’ils soient dédiés à la liquéfaction ou la regazéification” (1).
Expansion du GNL : incompatibilité avec l’objectif de neutralité carbone à 2050
Selon les derniers chiffres de l’International Gas Union publiés en mai 2025, les industriels du gaz continuent de tout miser sur le développement de nouvelles capacités de production de GNL : si l’ensemble de leurs nouveaux projets de terminaux d’exportation obtenaient leur décision finale d’investissement, la capacité de production de GNL pourrait tripler dans les prochaines années (2). Une expansion qui participerait à alimenter le développement massif de nouveaux champs gaziers nécessaires à l’approvisionnement de ces terminaux.
Des plans d’expansion très éloignés des projections du scénario de neutralité carbone à 2050 de l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) tablant sur un arrêt du développement de nouveaux terminaux d’exportation de GNL depuis 2022 et une division par plus de quatre de la production de gaz entre 2022 et 2050 (3).
Le secteur gazier (dont GNL) représente près d’un tiers des émissions mondiales de méthane des opérations liées aux combustibles fossiles (4). Tripler la production de GNL participera directement à l’augmentation des émissions de méthane alors que celles-ci doivent diminuer de 75 % d’ici à 2030 d’après le scénario de neutralité carbone de l’AIE (5).
En tant qu’assureurs-vie, financer la construction de ces infrastructures en achetant les obligations émises par les entreprises est une incohérence majeure avec leur promesse de neutralité carbone dans leurs portefeuilles d’investissements.
Assureurs-vie et arrêt du soutien à l’expansion du GNL : la MAIF va plus loin que ses concurrents
Depuis 2023, les assureurs-vie Suravenir, MACSF, la Macif et la MAIF ont tour à tour pris des engagements pour stopper leur nouveaux investissements dans des entreprises développant de nouveaux terminaux de GNL.
A la différence de ces trois autres assureurs-vie, la MAIF a décidé d’appliquer son engagement à la fois aux nouveaux investissements de son fonds euro (flux) et aux actifs déjà détenus dans son portefeuille (stock). Concrètement, la MAIF s’engage à vendre les titres financiers des entreprises concernées d’ici fin 2025 (6). Si la vente de titres déjà détenus n’impacte pas directement le financement des entreprises responsables de l’expansion du GNL, cette mesure permet à la MAIF d’offrir à ses clients des garanties que leur épargne n’est plus exposée à ces grandes compagnies fossiles, à une exception près.
La MAIF conserve une exception
Si la MAIF n’investira plus dans toute entreprise développant de nouveaux terminaux de GNL, dont ENGIE, l’assureur-vie fera une exception pour la vente des titres de l’énergéticien français. Le maintien en portefeuille d’ENGIE est motivé par l’engagement actionnarial mené auprès de l’entreprise par une coalition d’investisseurs dont la MAIF fait partie (7).
L’engagement de la MAIF est cependant insuffisant et ne peut se limiter à une demande de plus de transparence de la stratégie climat d’ENGIE. L’assureur-vie doit désormais renforcer son dialogue avec ENGIE en exigeant notamment un plan de sortie du gaz aligné sur une décarbonation de sa production d’électricité à horizon 2035/2040 (8). La MAIF doit également mettre en place une stratégie d’escalade structurée dans le temps incluant un désinvestissement en dernier recours si l’entreprise ne répond pas à ses demandes.
Contrairement à ses concurrents européens Enel (IT) et Statkraft (NO), ENGIE ne s’est toujours pas engagé à sortir du gaz fossile et prévoit toujours de développer 6 infrastructures gazières dont l’extension de deux terminaux d’importations de GNL en France (9). La stratégie d’ENGIE repose encore sur le gaz avec la moitié de sa production d’électricité toujours issue de sources fossiles et 10 % de ses dépenses d’investissements tournées vers des technologies fossiles (10).
Pendant que de plus en plus d’assureurs-vie refusent d’utiliser l’épargne de leurs clients pour financer les entreprises responsables de l’expansion du pétrole, du gaz et du GNL, certains assureurs-vie sapent ces efforts en continuant encore à investir dans ces entreprises alimentant la crise climatique. AXA, Crédit Agricole Assurances, le groupe Covéa (GMF, MAAF, MMA) et les autres grands assureurs-vie doivent désormais s’inspirer des meilleurs standards fixés par la MAIF.