Communiqué de presse 

Paris, le 27 octobre 2022 – Aujourd’hui se tient la 8ème édition du Climate Finance Day réunissant la place financière de Paris pour discuter de son rôle dans l’accélération de la transition environnementale. Cette timide édition joue le jeu du statu quo. Bruno Le Maire, qui ne s’est pas déplacé pour l’événement, renvoie les acteurs financiers français vers leurs responsabilités. Manque de transparence et d’actions coordonnées, les acteurs de la Place de Paris “doivent aller plus vite et plus fort face aux enjeux environnementaux. La création du futur Institut de la finance durable par Paris Europlace doit permettre à la place financière française de répondre à cet appel du pied du ministre de l’Economie. La question des soutiens à l’expansion pétrolière et gazière est cependant restée absente des débats.

Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ainsi que Yves Perrier, son vice-président et président d’Amundi ainsi que le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire sont revenus sur la création de l’Institut de la finance durable, dont la création a été récemment validée en conseil d’administration de Paris Europlace.

Lucie Pinson,  fondatrice et directrice de Reclaim Finance déclare : “Bruno Le Maire fait de la transparence le premier pilier de l’action de la finance sur le climat. On attend toujours les détails sur la gouvernance et la feuille de route de l’Institut de la finance durable qui, jusqu’à preuve du contraire, est une reprise en main des sujets par Paris Europlace”.

Bruno Le Maire s’est félicité de ce qu’il considère être une très bonne initiative. Pourtant, les inquiétudes concernant la structure venue remplacer Finance For Tomorrow demeurent. Deux principaux enjeux avaient été soulevés en juillet par un certain nombre d’acteurs de la Place.

  1. Le premier porte sur l’ambition. En juillet, beaucoup d’observateurs et membres de la Place s’inquiétaient de ce qui s’apparente à une reprise en main par les éléphants de la Place désireux de mettre un coup de frein alors qu’il nous faut accélérer les efforts de transformation de la finance pour la mettre au diapason des enjeux de durabilité. Alors que les travaux en France et au niveau européen tendent vers une prise en compte de l’intégralité des enjeux liés à la durabilité, dans une approche de double matérialité prenant en compte l’impact de la finance sur l’environnement et non uniquement l’impact de la transition sur la finance, tout laisse à penser que l’Institut pourrait se recentrer sur une approche de gestion des risques carbone.

“Augustin de Romanet a tenté de rassurer en soulignant que l’Institut devrait travailler sur le climat, la biodiversité et les autres enjeux liés à la durabilité. Mais il est difficile d’y accorder du crédit tant que plus de détails ne sont donnés sur la feuille de route de l’Institut et surtout alors qu’Yves Perrier n’a mentionné que l’importance de mettre en place une comptabilité carbone”, poursuit Lucie Pinson.

  1. Le deuxième porte sur la gouvernance et notamment sur la place du nouvel institut dans Paris Europlace, l’autonomie de l’Institut dans le choix des sujets traités, les travaux qui seront menés et les modalités de prise de position. Les ONG n’ont pas été mentionnées autrement que comme des acteurs non constructifs, des chahuteurs qui, de par leurs actions directes, effraient les acteurs financiers ; elles pourraient ne pas être tolérées au sein de l’Institut. Les industriels le seront en revanche, aux côtés des scientifiques et des financiers. Les documents publiés en juillet sur l’Institut indiquait également qu’un industriel en prendrait sa direction.

“Jean Lemierre est vice-président de Paris Europlace mais aussi président de BNP Paribas et membre du conseil d’administration de TotalEnergies dont le PDG siège lui au comité Médicis d’Amundi, dont le Président n’est autre qu’Yves Perrier, autre vice-président de Paris Europlace. Peut-être que la collusion des intérêts propres au capitalisme à la française n’était pas assez affirmée et qu’il était indispensable de donner les clés de l’Institut de la finance durable à un industriel pour pouvoir prendre en compte leurs enjeux” ajoute Lucie Pinson qui poursuit : “Augustin de Romanet a déploré les actions directes des ONG qui expliqueraient que des intervenants, apeurés, n’osent plus venir. Avouons-le, ce qui effraie les éléphants de la Place est avant tout la disparition de leur ancien monde, et non les actions d’ONG.”

Après avoir vanté les bénéfices de la transparence, Bruno Le Maire a salué les travaux menés par le comité de révision du label ISR (investissement socialement responsable), sans donner aucune précision sur les contours du futur label. S’il a appelé les acteurs de la Place à faire mieux, faire plus vite et faire plus fort, il a déclaré : “La Place de Paris est un atout car vous avez pris en 2019 l’engagement de sortir du financement du charbon, vous avez développé des plans de réduction de vos financements des hydrocarbures non conventionnels”.

“Bruno Le Maire a par ailleurs mentionné les engagements des acteurs de la Place sur le charbon et les hydrocarbures non conventionnels, semblant considérer que le travail avait été fait. En réalité, presque tout reste à faire sur le sujet et le ministre tente habilement de faire oublier qu’il a demandé aux acteurs, lors du Climate Finance Day de 2020, d’adopter des stratégies de sortie des pétrole et gaz non conventionnels et non uniquement d’y réduire leurs financements. Comme l’a démontré la CDC hier, la majorité des grands acteurs de la place refusent de s’engager sur un arrêt de leurs soutiens au développement de nouveaux projets dans ces secteurs” déclare Yann Louvel, analyste politique chez Reclaim Finance.

  • 12 acteurs de la Place n’ont toujours pas adopté de politique sectorielle concernant les hydrocarbures non conventionnels, d’après l’Oil and Gas Policy Tracker;
  • Seuls 3 acteurs ont des politiques qui peuvent être considérées comme robustes dans ce domaine;
  • De nombreux acteurs ne suivent pas la définition des pétrole et gaz non conventionnels du comité scientifique et d’expertise de l’Observatoire de la finance durable. C’est notamment le cas de la CDC, qui  dans sa nouvelle politique pétrole et gaz publiée hier reprend une définition très restrictive en la limitant aux sables bitumineux, aux pétrole et gaz de schiste et à une toute petite partie de l’Arctique.

Par ailleurs, si Yves Perrier finit par rappeler l’importance pour l’Institut de définir des trajectoires de sortie des énergies fossiles, il souligne que si la science doit être prise en compte, cette sortie doit être fondée sur des bases réalistes.

“Ni le Ministre ni aucun représentant de Paris Europlace n’a mentionné l’évidence embarrassante ce matin : il faut cesser de financer et d’assurer l’expansion du secteur pétrolier et gazier. Les militants des Amis de la Terre et d’Alternatiba étaient là ce matin pour rappeler la responsabilité de BNP Paribas dans l’aggravation du chaos climatique avec 55 milliards d’euros de financements accordés entre 2016 et 2021 aux entreprises qui développent le plus de nouveaux projets fossiles. Quant aux assureurs AXA et SCOR, leur absence est remarquée et ne fait pas oublier leurs soutiens aux nouveaux projets gaziers ” ajoute Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne Assurance chez Reclaim Finance.

A ce jour, 15 investisseurs ont pris des mesures contre le développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers. Si Paris veut devenir la capitale de la finance verte, il serait temps pour les plus gros acteurs de la Place d’en faire autant.

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