Communiqué de presse copublié avec Les Amis de la Terre France
Paris, le 17 janvier 2023 – Après s’être engagées à atteindre la neutralité carbone en rejoignant la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), les institutions financières, incluant les grandes banques françaises, ont continué à injecter des centaines de milliards de dollars dans les entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles. C’est la conclusion d’un nouveau rapport publié aujourd’hui par 13 ONG, dont Reclaim Finance et Les Amis de la Terre France (1) alors que le Forum économique mondial se tient à Davos. Les ONG alertent sur ce manque de respect des impératifs scientifiques et appellent la nébuleuse GFANZ à en finir avec le greenwashing en exigeant des membres individuels l’arrêt rapide de leurs soutiens à l’expansion des énergies fossiles.
Le rapport analyse les soutiens apportés aux plus grands développeurs de projets d’énergies fossiles par les banques, détenteurs et gestionnaires d’actifs membres de GFANZ (2). Il constate que :
- Depuis leur adhésion à GFANZ, 56 des plus grandes banques membres de la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) ont fourni US$ 270 milliards à 102 grands développeurs d’énergies fossiles, notamment via 134 prêts et 215 émissions d’actions et d’obligations ;
- 58 des plus grands membres de l’initiative Net Zero Asset Managers (NZAM) détenaient au moins US$ 847 milliards d’actions et d’obligations dans 201 grands développeurs d’énergies fossiles à la fin du mois de septembre 2022 ;
- Seule une poignée d’institutions financières ont adopté des politiques qui restreignent de manière conséquente leurs soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles et aux entreprises qui les développent. (3).
Au total, 229 des plus grands développeurs d’énergies fossiles au monde ont reçu des soutiens financiers de la part des 161 membres de GFANZ couverts dans ce rapport (4). Ces entreprises développent des nouvelles centrales, mines et infrastructures liées au charbon ou des nouveaux champs, pipelines et terminaux pétroliers et gaziers. Tous ces nouveaux projets sont incompatibles avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, comme le confirme l’édition 2022 du World Energy Outlook de l’Agence internationale de l’énergie, publiée en octobre. Ces nouveaux projets, déployés grâce aux financements et investissements des membres de GFANZ, émettront des gaz à effet de serre pendant des décennies, malgré l’adoption d’objectifs de décarbonation par certains acteurs financiers (5).
Lucie Pinson, fondatrice et directrice de Reclaim Finance, déclare : “La science est très claire : nous devons au plus vite cesser le développement de nouveaux projets de charbon, de pétrole et de gaz si nous voulons tenir nos objectifs climatiques et éviter un scénario catastrophe. Pourtant, c’est business as usual pour la majorité des banques et des investisseurs qui continuent de soutenir sans aucune restriction les entreprises en pleine expansion dans les énergies fossiles, et ce, malgré leurs engagements très médiatisés en faveur de la neutralité carbone. Leur greenwashing est d’autant plus dommageable qu’il jette le doute sur la sincérité de tous les engagements net zero et sape les efforts de ceux qui agissent vraiment pour le climat.”
Bien que la fin des services financiers à l’expansion fossile soit une condition évidente au respect des objectifs visés par GFANZ, aucune de ses alliances membres n’aborde réellement cette question dans ses directives.
La campagne de l’ONU Race to Zero – dont toutes les institutions financières sont devenues signataires en rejoignant les alliances GFANZ – fixe des critères pour atteindre la neutralité carbone pour les institutions financières et autres acteurs non étatiques . Depuis juin 2022, ces critères incluent la fin du financement de nouveaux projets de combustibles fossiles. Si GFANZ a cessé d’exiger que ses membres rejoignent la Race to Zero, les alliances sectorielles en restent des partenaires et s’engagent donc à respecter ses critères. Le rapport de novembre 2022 du Groupe d’experts de haut niveau de l’ONU a à son tour souligné que la crédibilité des engagements net zero requiert la fin des services financiers à l’expansion des énergies fossiles (6).
Lorette Philippot, chargée de campagne finance et énergies fossiles aux Amis de la Terre France ajoute : « La place financière de Paris est bien loin de montrer l’exemple au sein de l’alliance internationale. Depuis qu’elles affichent haut et fort leur engagement pour la neutralité carbone, les grandes banques françaises ont financé à grand renfort de milliards les entreprises qui prévoient de nouvelles bombes climatiques. BNP Paribas en fait partie ! Mise en demeure fin octobre 2022 par trois ONG de renoncer à ses soutiens massifs à l’expansion pétrolière et gazière, elle devra en répondre devant la justice si elle ne change pas urgemment de cap. (7) »
Depuis qu’elles sont membres fondateurs de l’alliance NZBA, les deux grandes banques françaises BNP Paribas et Société Générale ont été respectivement impliquées dans 30 et 33 transactions apportant US$ 7.1 milliards et US$ 6.6 milliards à une dizaine d’entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles, dont TotalEnergies qui est le premier développeur européen de projets de production de pétrole et de gaz. Le Crédit Agricole, qui a rejoint la NZBA en juin 2021, compte 46 transactions apportant un total de US$ 6,3 milliards à une vingtaine de développeurs. Quant à sa filiale de gestion d’actifs, Amundi, membre de l’alliance NZAM, il détenait US$ 17 milliards dans 136 entreprises développant des projets d’énergies fossiles au mois de septembre 2022 (8).