A l’heure où la COP21 fête un bien triste 5ème anniversaire, fait de promesses non tenues et d’espoirs déçus, il est plus que jamais nécessaire de confronter les grands discours climatiques aux actes. Si la finance française a fait figure de leader en s’engageant à sortir du charbon, plusieurs acteurs financiers continuent d’ignorer la parole donnée, alors même qu’une sortie du charbon est une étape essentielle mais largement insuffisante pour limiter le réchauffement planétaire. Parmi eux, un acteur de référence : la Banque de France.

La COP 21 était sensée signer le début d’une nouvelle ère. 5 ans plus tard, force est de constater que les grands engagements pris n’ont pas été suivi d’effets. Au lieu de diminuer, les émissions de gaz à effet de serre ont même continué à augmenter de 1,3% par an, maintenant la planète sur le chemin d’un réchauffement dépassant les 3°C.

Comme les états, les acteurs financiers ont été de plus en plus nombreux à s’engager mais ces engagements n’ont que rarement et de manière incomplète trouvé de traduction concrète. La finance continue d’être un des grands acteurs de la crise climatique. Depuis la COP21, les acteurs financiers ont accordé $1600 milliards de financements aux entreprises qui portent des projets d’énergies fossiles pouvant à eux seuls consommer ¾ du budget carbone 1.5°C, et y détenaient  $1100 milliards d’investissement en août 2020. Ces montants s’élèvent à $126 milliards de financements et $22 milliards d’investissements pour les banques et investisseurs français.

L’engagement pris par la Place de Paris en juillet 2019 d’adopter des politiques de sortie du charbon est symptomatique de la difficulté pour les acteurs financiers de passer de la parole aux actes.

Alors que le Ministre de l’Economie et des Finances appelait les acteurs financiers à aller plus loin en s’attaquant à la question des hydrocarbures non conventionnels, rappelant ainsi que le charbon n’est qu’une première étape très insuffisante pour permettre l’émergence d’une finance plus durable, le Climate Finance Day 2020 a été l’occasion de dresser un bilan mitigé de l’engagement de sortie du charbon. En effet, 10 acteurs français n’ont toujours que des politiques lacunaires et insuffisantes, notamment Covéa, ODDO BHF AM, SMA, Tobam, Tikehau Capital ou SCOR (réassureur).

Plus étonnant : la Banque de France n’a toujours pas adopté de politique de sortie du charbon, ni de restriction aux soutiens apportés aux autres énergies fossiles. En l’état, seul ODDO BHF AM – qui ne possède aucune politique charbon – est moins exigeant. La Banque de France se distingue ainsi de la Caisse des Dépôts et Consignation qui a adopté une politique de réduction des financements fossiles. Elle apparait surtout en décalage avec les discours de son propre gouverneur, qui appelait à l’action climatique au Climate Finance Day 2020 et met régulièrement en avant la « contribution » de la Banque aux travaux sur le sujet.

Le retard de la Banque de France est d’autant plus inquiétant qu’adopter une politique de sortie des énergies fossiles n’est qu’une étape préalable à la transition de la banque. Elle ne concernerait qu’un portefeuille d’environ 20 milliards d’euros et ne s’appliquerait pas à la politique monétaire, pour laquelle la Banque devra proposer des changements ambitieux à la BCE.

Pour la Banque de France comme pour les autres acteurs financiers, il s’agit aussi de crédibilité : pour pouvoir devenir acteurs d’une finance « compatible avec l’Accord de Paris », ils doivent commencer par mettre fin aux soutiens à la plus polluante des activités, l’extraction et l’utilisation d’énergies fossiles. L’enjeu de crédibilité est le même pour le gouvernement français qui souhaite continuer à financer les projets d’exploitation d’énergies fossiles jusqu’en 2035 quand son homologue britannique prévoit d’y mettre fin d’ici la COP26 en novembre 2021.