Décryptage pré-AG & réaction post-AG ↓
En 2021, Crédit Agricole s’engageait à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 compatible avec une trajectoire +1,5°C et s’auto-proclamait “banque verte”. Mais derrière les discours, les actes ne suivent pas : nous révélions il y a quelques semaines que Crédit Agricole soutient massivement l’expansion pétro-gazière, alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son scénario Net zéro (1) trace comme ligne rouge la fin dès maintenant la fin des nouveaux projets de production d’énergies fossiles pour limiter le réchauffement à +1,5°C. Plusieurs occasions se profilent pour le Crédit Agricole d’aligner sa politique pétrole et gaz avec ses engagements climatiques : l’assemblée générale le 24 mai et l’annonce de son plan stratégique le 22 juin. Le Crédit Agricole doit répondre aux récentes conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en annonçant la fin de ses soutiens à l’expansion pétro-gazière.
Des mesures insuffisantes contre l’expansion pétro-gazière
Crédit Agricole a accordé $33 milliards aux 100 plus gros développeurs d’énergies fossiles (2) depuis l’accord de Paris. Malheureusement les derniers engagements sociétaux pris par le groupe (3) ne marquent aucune inflexion sur les soutiens à l’expansion pétro-gazière. En effet, la politique de Crédit Agricole n’exclut les financements dédiés qu’à certains champs et infrastructures de pétrole et de gaz non-conventionnels, qui plus est sur une partie seulement de la chaîne de valeur (4). En conséquence, la banque peut donc continuer à financer de nouveaux projets de production pétroliers et gaziers conventionnels mais également dans des secteurs non-conventionnels risqués comme l’offshore ultra profond, non pris en compte dans la politique.
Aux financements directs s’ajoutent les financements aux entreprises qui développent de nouveaux champs de pétrole et de gaz. Cependant, ici encore, le bât blesse : Crédit Agricole n’exclut pas spécifiquement les entreprises développant de nouveaux champs et infrastructures de pétrole et de gaz mais se contente d’une exclusion des entreprises dont le pétrole et gaz de schiste et les sables bitumineux représentent plus de 30% de l’activité (5). Contre toute logique, alors que la banque exclut les financements dédiés en Arctique, reconnaissant ainsi les problèmes posés par ce secteur, aucune mesure n’est prise contre les entreprises qui se développent dans cette zone. Résultat, la banque peut continuer à soutenir des entreprises développant des bombes climatiques, en totale contradiction avec les engagements climatiques du Crédit Agricole. La banque française figure même parmi les principaux soutiens entre 2016 et 2021 de Gazprom, Petrobras, Saudi Aramco et BP, qui figurent tous parmi les 10 premiers développeurs au monde (6).
Un soutien inconditionnel à TotalEnergies
Le groupe Crédit Agricole est le 1er soutien financier de Total, et son 2ème plus gros actionnaire. Depuis l’accord de Paris, la banque figure au premier rang des soutiens à TotalEnergies ($7,1 milliards entre 2016 et 2021), le premier développeur européen de pétrole et de gaz et septième mondial. Ces soutiens sont une fois de plus en contradiction avec l’engagement du groupe d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 suivant une trajectoire +1,5°C. Cette dissonance cognitive est tenace. Dernier exemple en date : alors que le Crédit Agricole s’est engagé à ne pas financer directement le mégaprojet pétrolier controversé EACOP de TotalEnergies, la banque a récemment (trois jours après la publication du rapport du GIEC !) joué un rôle moteur dans la plus grosse opération de prêt pour la major française depuis l’Accord de Paris : un prêt revolver de $8 milliards accordé à la major française. Ce prêt non fléché (“General corporate purposes”) laisse à TotalEnergies la discrétion dans l’usage de ce financement, qu’elle peut donc potentiellement utiliser pour de nouveaux projets pétro-gaziers comme EACOP. (7)
Enfin, alors que Crédit Agricole s’est engagé à suspendre les nouveaux financements et toute activité commerciale en Russie et a condamné l’acte de guerre russe, le groupe n’a, à aucun moment, appelé la major française à suspendre toutes ses activités en Russie, comme l’ont fait BP, Shell ou ExxonMobil.
Les votes aux assemblées générales doivent refléter les engagements du groupe
Pour rappel, Crédit Agricole a rejoint l’ensemble des alliances net zéro GFANZ, avec l’objectif d’aligner l’ensemble de ses portefeuilles sur une trajectoire +1,5°C. Cela comprend donc les financements bancaires mais également les investissements, dont ceux de sa filiale de gestion d’actifs Amundi. En cette période d’assemblées générales, de nombreuses entreprises sollicitent l’avis de leurs actionnaires sur leur plan climat : parmi elles, 5 des 7 majors pétrolières européennes. Or une coalition d’investisseurs, dont Amundi est membre, a révélé qu’aucune ne disposait d’un plan climat compatible avec l’urgence climatique. Le bon sens voudrait donc que l’ensemble du groupe Crédit Agricole vote contre ce greenwashing. Cela serait d’autant plus logique qu’Amundi a récemment pris position publiquement en faveur de l’inclusion de critères exigeants dans les plans climat des entreprises, critères que l’on ne retrouve pas dans les documents présentés par TotalEnergies ou Shell.
Crédit Agricole s’apprête à tenir sa première assemblée générale depuis la publication du scénario net zéro de l’AIE. Il est temps d’y apporter une réponse claire et à la hauteur du défi climatique en annonçant la fin des soutiens à l’expansion pétro-gazière. Cet engagement doit être pris côté banque mais aussi en tant qu’investisseur. En tant que premier soutien et deuxième actionnaire de TotalEnergies, Crédit Agricole ne peut accepter le plan climaticide de l’entreprise et doit exiger que l’entreprise renonce à ses projets d’expansion, à commencer par le mégaprojet controversé EACOP en Afrique de l’Est. Si Crédit Agricole se veut vraiment “banque verte”, elle doit s’engager dès son assemblée générale et l’appliquer dans son plan stratégique dès le 22 juin.