De fin avril à début juin, les grands acteurs économiques et financiers vont convoquer leurs actionnaires pour leur rendre des comptes et leur présenter leur stratégie. Cette saison des Assemblées générales est la première depuis la publication par l’Agence internationale de l’énergie et le GIEC de rapports démontrant l’urgence à ne plus développer de nouveaux projets d’énergies fossiles pour limiter le réchauffement à 1,5°C.

Les AG qui arrivent sont donc l’occasion pour les banques, assureurs et investisseurs de renforcer leurs politiques climat d’enfin mettre en cohérence leurs discours et leurs actes, en adoptant de nouveaux engagements et en usant de leur pouvoir d’actionnaire pour pousser les entreprises à aller plus loin face à l’urgence climatique. Car s’ils restent très minoritaires, les investisseurs sont de plus en plus vocaux sur les enjeux climatiques : dépôt de résolutions climatiques, consultation des actionnaires à travers les “Say On Climate”, fronde contre des conseils d’administration dont l’action climatique a été jugée trop timorée, etc.

Les acteurs financiers seront-ils à la hauteur cette année ? Décryptage des enjeux et des moments clés !

Les assemblées générales à ne pas manquer

Reclaim Finance assistera aux assemblées générales des principaux acteurs de la Place financière de Paris pour les interroger sur leur stratégie climat. Tous sont membres des coalitions d’acteurs financiers pour l’atteinte de la neutralité carbone et ont déjà ou doivent annoncer leurs cibles de décarbonation. Mais presque tous continuent à ce jour de soutenir sans condition les entreprises qui, à rebours des recommandations scientifiques, continuent de développer de nouveaux projets d’énergies fossiles.

Cette année, et à défaut d’adopter dès leurs assemblées générales des politiques totalement alignées avec un objectif 1,5°C, les acteurs financiers doivent enfin reconnaître publiquement la nécessité de mettre un terme à l’expansion pétro-gazière et s’engager à tendre vers cet objectif d’ici la COP27.

En tant qu’investisseurs engagés pour le climat, et dans la perspective de la tenue des assemblées générales de TotalEnergies le 25 mai 2022 et des autres majors pétro-gazières et producteurs d’électricité européens, ils doivent aussi utiliser leur statut d’actionnaire pour :

Faire barrage aux faux plans climat en votant contre les Say on Climate incomplets et insuffisants pour atteindre nos objectifs climatiques ;

Soutenir les résolutions d’actionnaires visant à renforcer les plans climat des entreprises ;

S’opposer au renouvellement des membres des conseils d’administration des entreprises qui persistent à développer de nouveaux projets fossiles.

Le 21 avril : Assemblée générale d’Engie

L’assemblée générale sera sur le thème du climat et s’annonce comme un test décisif pour “l’engagement actionnarial”.

En effet, si Engie prévoit de “sortir” du charbon, sa stratégie est insuffisante et problématique.

L’énergéticien se contente de céder la plupart de ses actifs charbon au lieu de les fermer.

En outre, il prévoit un recours croissant au gaz, s’enfonçant dans les énergies fossiles plutôt que d’entrer réellement en transition.

Résultat, l’entreprise n’est pas alignée sur une trajectoire 1,5°C.

Les investisseurs soucieux du climat doivent mettre à profit la tenue de l’assemblée générale d’Engie pour voter contre le “Say on Climate” défaillant proposé par l’entreprise, et la questionner sur ses inquiétants choix de transition.

Notre porte-parole : Guillaume Pottier, chargé d’engagement actionnarial, +33750890549

Le 28 avril : Assemblée générale d’AXA

Si AXA a été pionnier pour la sortie du charbon, il continue d’assurer un avenir au pétrole et au gaz. En octobre 2021, l’assureur a annoncé une nouvelle politique pour restreindre ses couvertures assurantielles et investissements au pétrole et au gaz. Malheureusement, sa politique ne fait que la moitié du chemin : AXA peut continuer à assurer des nouveaux projets pétroliers jusqu’en 2024 et même au-delà dans certains cas, et n’a pas annoncé la fin des couvertures d’assurance aux nouveaux projets gaziers.

En tant qu’investisseur, AXA reste un actionnaire d’entreprises pétro-gazières dont TotalEnergies et Shell. En 2021, il avait approuvé leurs plans climat pour saluer la démarche tout en indiquant qu’il serait “crucial que Total et le reste de l’industrie pétrolière et gazière continuent à relever leur ambition [climatique]. Puisqu’il est désormais établi que le niveau d’ambition de ces plans n’est pas suffisant, AXA IM doit tirer les conséquences en s’y opposant.

Notre porte-parole : Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, +336.79.54.37.15

Le 17 mai : Assemblée générale de BNP Paribas

Entre 2016 et 2021, BNP a octroyé plus de $142 milliards aux énergies fossiles, et décroche le titre de 5ème financeur mondial de l’expansion des énergies fossiles. En 2021, BNP Paribas a pris l’engagement de rejoindre les rangs des banques engagées à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et à réduire les émissions de 50% d’ici 2030. Malheureusement, les mesures prises par le groupe ne permettront pas d’atteindre cet objectif puisque la banque peut encore soutenir les entreprises qui développent de nouveaux projets pétroliers et gaziers, y compris dans les secteurs controversés comme les forages arctiques, l’offshore et le gaz naturel liquéfié.

En tant qu’investisseur, BNP Paribas reste elle un bras armé de l’expansion pétro-gazière en investissant copieusement dans des entreprises comme TotalEnergies et Shell. BNP Paribas AM avait d’ailleurs soutenu les pseudo plans climat des deux majors pétro-gazières européennes en 2021. Cette année, il devra apporter des preuves tangibles de l’efficacité de sa démarche d’engagement, en s’opposant aux « Say on Climate » défaillants présentés par les entreprises pétro-gazières européennes et en soutenant l’ensemble des résolutions climatiques actionnariales déposées chez ces entreprises.

Notre porte-parole : Louis-Maxence Delaporte, chargé de finance zéro fossile, +336.48.64.39.75

Le 18 mai : Assemblée générale d’Amundi

En pleine croissance, la filiale du Crédit Agricole est devenue le plus gros investisseur en France et en Europe.

En janvier, nous révélions que Amundi avait $4,8 milliards encore investis dans le charbon, dont une partie importante via des fonds passifs non encadrés par sa politique d’exclusion sur le charbon. Par ailleurs, Amundi est investi à hauteur de $19 milliards dans 12 des principaux développeurs d’hydrocarbures, mettant à mal sa capacité à s’aligner avec les objectifs de l’Accord de Paris. Amundi est même le 1er actionnaire de TotalEnergies, actuellement impliqué dans le développement de méga-projets en Arctique russe et en Afrique de l’Est.

Jusqu’à présent, Amundi se défend en invoquant une politique d’engagement forte auprès des entreprises dont elle est actionnaire mais sa politique de vote l’année passée a fait preuve d’incohérences. Amundi a par exemple voté en faveur du plan climat défaillant à l’AG de TotalEnergies en 2021.

Ses votes aux assemblées générales 2022 permettront d’évaluer les progrès d’Amundi en la matière : Amundi va-t-il voter contre le plan climat de TotalEnergies cette année ? Soutenir les résolutions actionnariales visant la major française ?

Notre porte-parole : Lara Cuvelier, chargée de campagne investissements durables, +336.68.45.18.93

Le 18 mai : Assemblée générale de SCOR

Le 4ème plus gros ré/assureur au monde n’a pas encore adopté de restrictions sur le secteur pétrole et gaz malgré ses engagements sur le climat. En effet, SCOR figure parmi les membres fondateurs de l’Alliance des Assureurs engagés à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Si SCOR s’est récemment engagé à ne pas assurer le projet EACOP porté par TotalEnergies en Afrique de l’Est, il doit désormais étendre cet engagement à tout nouveau projet de production d’énergies fossiles.

Par le passé, SCOR a su montrer l’exemple. C’est notamment le premier réassureur international à adopter des engagements sur le secteur du charbon. L’AG permettra de confirmer si Laurent Rousseau, le nouveau DG de SCOR, est réellement prêt à “accélérer la course vers zéro émission nette, et ainsi à renforcer la mission de long terme de SCOR consistant à protéger les populations et les sociétés du monde entier.” comme il s’y est engagé.

Notre porte-parole : Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne assurances, +336.99.39.92.85

Le 17 mai : Assemblée générale de la Société Générale

Entre 2016 et 2021, Société Générale a octroyé plus de $87 milliards aux énergies fossiles.

A l’instar des autres banques françaises, Société Générale s’est engagée en 2021 à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et à réduire les émissions de 50% d’ici 2030.

Malheureusement, sa nouvelle politique lui permet encore de soutenir les entreprises qui développent de nouveaux projets pétroliers et gaziers comme ExxonMobil et Chevron, les 2ème et 3ème plus gros développeurs de schiste. Société Générale est également très impliquée dans deux méga-terminaux d’exportation de gaz de schiste en Amérique du Nord (Rio Grande LNG et Driftwood LNG).

Si la banque veut crédibiliser ses engagements sur le climat, elle doit s’engager à exclure tout soutien à tout nouveau projet pétrolier et gazier ainsi qu’aux entreprises les développant.

Notre porte-parole : Louis-Maxence Delaporte, chargé de finance zéro fossile, +336.48.64.39.75

Le 24 mai : Assemblée générale du Crédit Agricole

Entre 2016 et 2021, la banque a octroyé $75 milliards aux énergies fossiles. Elle figure également dans le top 10 mondial des banques qui financent le plus les entreprises pétro-gazières actives en Arctique et dans l’offshore. Crédit Agricole est même le 1er banquier de TotalEnergies, et figure en bonne place parmi les soutiens de Gazprom, Saudi Aramco et Petrobras, de gros développeurs de nouveaux projets pétroliers et gaziers.

Malheureusement, la nouvelle politique du groupe pour réduire ses soutiens aux énergies fossiles ne permet pas de freiner l’expansion pétro-gazière.

Si le groupe veut mériter son appellation de “banque verte” et d’investisseur “responsable”, il doit annoncer la fin de ses services financiers aux entreprises développant encore de nouveaux champs pétroliers et gaziers.

Notre porte-parole : Louis-Maxence Delaporte, chargé de finance zéro fossile, +336.48.64.39.75

Le 25 mai : Assemblée générale de TotalEnergies

La direction de l’entreprise propose de nouveau un vote consultatif sur son plan « climat ». Etant donné que TotalEnergies figure parmi les plus gros développeurs d’hydrocarbures au monde et ne prévoit pas de réduire significativement ses émissions, il n’a pas de plan de transition crédible et aura consommé la totalité de son budget carbone d’ici 2035 au plus tard.

A noter qu’aucune des deux résolutions climatiques actionnariales initialement déposées ne fera l’objet d’un vote. La première a été retirée car, sous pression, TotalEnergies a pris de nouveaux engagements (partiels). La seconde a quant à elle été unilatéralement rejetée par TotalEnergies.

Les investisseurs ne doivent pas se laisser berner comme en 2021 et s’opposer à cet exercice s’apparentant davantage à de la communication verte qu’à la planification d’une transition crédible.

 

Notre porte-parole : Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, +336.79.54.37.15

Le 28 avril : Assemblée générale de RWE

Après avoir longtemps été le plus important émetteur de CO2 d’Europe, RWE a laissé la place en 2021 à son concurrent polonais PGE, mais de très peu : l’entreprise polonaise n’émet qu’1.6% de CO2 de plus que l’énergéticien allemand. Non content d’être l’un des énergéticiens européens utilisant le plus de charbon pour produire de l’électricité, RWE exploite aussi des mines de charbon en Allemagne et en Hongrie.

RWE prévoit de ne sortir du charbon qu’en 2038 au sein de l’UE/OCDE, et compte entre temps développer ses activités gazières, au détriment d’une réelle transition énergétique en faveur des énergies renouvelables.

Les investisseurs soucieux du climat doivent mettre à profit la tenue de l’AG de RWE pour sanctionner son absence de transition en s’opposant à la proposition de nomination d’un nouvel administrateur d’une part, ainsi qu’en s’opposant au quitus donné aux membres du conseil d’administration (comme le recommande l’association allemande des actionnaires critiques).

Notre porte-parole : Claire Maraval, chargée de la transition énergétique européenne, Reclaim Finance, + 33 6 85 45 80 27

Le 18 mai : Assemblée générale d’UNIPER

Fortum/Uniper est l’un des principaux producteurs d’électricité à partir d’énergie fossile en Europe et peine à proposer un plan de sortie du charbon à la hauteur de l’urgence climatique. L’énergéticien prévoit une date de sortie du charbon en 2038 au sein de l’UE/OCDE, date qui ne couvre pas toutes ses centrales, et mise de plus en plus sur le gaz, au détriment des énergies renouvelables. Il demeure par ailleurs actif en Russie à travers ses 12 centrales à gaz ou à cycle combiné. UNIPER s’appuie très largement sur le gaz russe, en hausse depuis le début de la guerre.

Malgré tout, Fortum/Uniper trouve sa place dans les portefeuilles de multiples acteurs financiers, qu’il s’agisse de BNP Paribas, de la Société Générale ou du Crédit Agricole. Ces investisseurs doivent mettre à profit la tenue de l’AG d’UNIPER pour sanctionner l’entreprise en s’opposant à la nomination des membres de son conseil de surveillance afin de signaler leur désapprobation du plan de sortie du charbon incomplet et de la stratégie de transition vers le gaz proposés par UNIPER.

Notre porte-parole : Claire Maraval, chargée de la transition énergétique européenne, Reclaim Finance, + 33 6 85 45 80 27

Le 11 mai : Assemblée générale d’ENI

L’assemblée générale sera sous le signe du climat étant donné que le principal producteur pétro-gazier italien va consulter ses actionnaires sur son plan de transition énergétique.

C’est l’occasion de tester l’engagement actionnarial des investisseurs.

En effet, malgré de nouvelles annonces, le plan climat d’ENI n’est toujours pas aligné avec l’objectif d’1,5°C : l’entreprise planifie de nouveaux projets pétro-gaziers et dépassera son budget carbone avant 2038 !

Les investisseurs qui se disent engagés pour le climat doivent sanctionner la démarche expansionniste d’ENI en s’opposant au renouvellement des membres de son conseil d’administration.

Notre porte-parole : Guillaume Pottier, chargé d’engagement actionnarial, +33750890549

Le 11 mai : Assemblée générale d’Equinor

Si Equinor fait partie des entreprises du secteur pétro-gazier perçues comme “en transition”, une étude approfondie du plan climat d’Equinor révèle qu’il est loin d’être aligné avec l’objectif d’1,5°C : la major norvégienne planifie de nouveaux projets pétro-gaziers et dépasse son budget carbone au plus tard en 2037 !

A l’assemblée générale, la major norvégienne prendra le pouls de ses investisseurs sur ce plan climat via un vote consultatif. Il est important que les investisseurs votent contre ce “Say on Climate” étant donné qu’il ne répond pas à l’urgence climatique.

Dans le même temps, il importe que les investisseurs soutiennent la résolution climatique d’initiative actionnariale figurant à l’ordre du jour de l’AG.

Notre porte-parole : Guillaume Pottier, chargé d’engagement actionnarial, +33750890549

Le 12 mai : Assemblée générale de BP

Cette année, BP va pour la première fois consulter ses actionnaires sur son plan de transition énergétique.

C’est l’occasion de tester l’engagement actionnarial des investisseurs. En effet, le plan climat de BP est loin d’être aligné avec l’objectif d’1,5°C : l’entreprise planifie de nouveaux projets pétro-gaziers et dépassera son budget carbone d’ici 2033 au plus tard !

Les investisseurs qui se disent engagés pour le climat doivent mettre à profit la tenue de l’AG de BP pour voter contre le “Say on Climate” défaillant proposé par la major, mais aussi pour le questionner sur ses inquiétants choix de transition. BP est également la cible d’une résolution climatique déposée par des actionnaires. Les investisseurs doivent soutenir cette résolution.

Enfin, la stratégie d’expansion fossile de BP doit être sanctionnée par des votes contre le renouvellement des administrateurs dont le mandat arrive à échéance.

Notre porte-parole : Guillaume Pottier, chargé d’engagement actionnarial, +33750890549

Le 24 mai : Assemblée générale de Shell

Pour la deuxième année consécutive, Shell va consulter ses actionnaires sur son plan de transition énergétique et rendre compte de la mise en œuvre du plan. C’est l’occasion de tester l’engagement actionnarial des investisseurs.

En effet, le plan climat de Shell est loin d’être aligné avec l’objectif d’1,5°C : l’entreprise planifie de nouveaux projets pétro-gaziers et dépassera son budget carbone d’ici 2034 au plus tard ! Les investisseurs qui se disent engagés pour le climat doivent mettre à profit la tenue de l’AG de Shell pour voter contre le “Say on Climate” défaillant proposé par la major, mais aussi pour soutenir la résolution climatique d’initiative actionnariale qui a été déposée.

Enfin, les investisseurs doivent sanctionner les projets expansionnistes de l’entreprise en votant contre le renouvellement des administrateurs dont le mandat arrive à échéance.

Notre porte-parole : Guillaume Pottier, chargé d’engagement actionnarial, +33750890549